Plus de 15 000 personnes ont fui les combats à Abyei, ville du Soudan occupée depuis samedi par les forces du pouvoir nordiste qui a réaffirmé mardi ses revendications territoriales sur cette région disputée avec les sudistes.

«Abyei est une terre soudanaise du Nord, nos forces armées ne se retireront pas de cette terre», a martelé le président soudanais Omar el-Béchir à Khartoum, alors que la communauté internationale réclame le retrait des troupes nordistes.

«En cas de provocation, j'ai donné le feu vert aux troupes pour y répondre», a-t-il ajouté, se disant «disposé à une nouvelle guerre».

Les chars nordistes ont pris possession samedi d'Abyei en violation des accords de paix (CPA) qui avaient mis fin en 2005 à la guerre civile entre le Nord, musulman et arabe, et le Sud, principalement chrétien et noir, du Soudan, qui avait fait deux millions de morts.

Alors que la ville, située à la lisière du Nord et du Sud, était en proie aux flammes et aux pillages lundi, des milliers de personnes ont fui vers le sud, notamment en direction de la ville d'Agok.

«On estime qu'à Agok, il y aurait environ 15 000 personnes déplacées dans et autour de la ville», a annoncé la porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), Elisabeth Byrs, à Genève. «Ces personnes ont quitté Abyei. Elles fuient vers le sud».

Un nouvel appel au retrait des troupes nordistes a été lancé mardi par une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU qui s'est entretenue avec le président sud-soudanais Salva Kiir dans la capitale sudiste, Juba.

«Nous exigeons le retrait total, inconditionnel et immédiat des SAF (Forces armées du Soudan, nordiste) d'Abyei», a déclaré l'ambassadeur des États-Unis auprès du Conseil de sécurité, Susan Rice.

À Bruxelles, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a jugé «crucial que les hostilités cessent immédiatement et que les forces nordistes se retirent d'Abyei pour éviter que le CPA (accord de paix de 2005) subisse un sérieux revers».

Le Canada a condamné pour sa part «l'explosion de violence à Abyei» et demandé «aux deux parties» de se retirer, sans stigmatiser explicitement les autorités nordistes.

«Les forces armées soudanaises doivent mettre fin à leur occupation illégale et quitter Abyei», a réaffirmé de son côté le ministre de l'Information sudiste, Barnaba Marial Benjamin.

Mais le régime de Khartoum a opposé une fin de non-recevoir à ses appels.

Avant le président Béchir, le ministre soudanais de la Défense, Abdelrahim Mohammed Hussein avait affirmé: «Abyei restera une ville du Nord jusqu'à ce que la population décide de la situation par elle-même», ajoutant que l'armée y resterait «jusqu'à ce qu'une décision politique soit prise».

La population d'Abyei devait choisir lors d'un référendum en janvier son rattachement au Nord ou au Sud. Mais le scrutin a été reporté sine die, les ex-rebelles sudistes et la tribu Dinka Ngok d'un côté, les Arabes nomades Misseriya et les nordistes de l'autre n'ayant pas réussi à s'entendre sur le droit de vote des électeurs.

Pour protester contre «les actes criminels à Abyei», un ministre sudiste dans le gouvernement d'union à Khartoum, Luka Biong, a démissionné.

«Nous avions espéré que nous pourrions former deux États viables ayant de bonnes relations, mais Khartoum ne semble pas intéressé par la paix», a dit M. Biong, originaire de la région d'Abyei.

Abyei est au coeur d'une lutte pour l'accès à l'eau mais aussi de rivalités tribales historiques, et connaît une recrudescence des violences depuis le référendum de janvier sur le Sud-Soudan, marqué par une victoire écrasante de l'option sécessionniste.

Cette victoire a ouvert la voie à l'indépendance de cette région, prévue en juillet.