À Tombouctou, ville malienne «préférée» du colonel Mouammar Kadhafi, ses biens et les réalisations de son régime tombent dans l'oubli, au moment où lui-même est traqué dans son pays par les forces de l'OTAN.

Une résidence de Mouammar Kadhafi s'étend sur plusieurs hectares non loin de l'aéroport, au nord de la ville. En 2006, à l'occasion de la fête du Maouloud, le nouvel an musulman, le guide libyen s'était transformé en imam de Tombouctou (centre), sa ville «préférée» comme il l'avait publiquement déclaré.

Il avait alors payé le déplacement de plusieurs centaines d'Africains dont des chefs d'État, toutes transportées par des avions libyens, les invitant à prier derrière lui, au stade de Tombouctou.

Une petite décharge se trouve aujourd'hui à l'entrée principale de ce domaine, mal entretenu, depuis que le régime libyen est en mauvaise posture du fait des frappes de l'OTAN sur Tripoli, pour mettre fin à la répression du soulèvement populaire en Libye qui a débuté le 15 février.

«On va enlever les ordures demain. Depuis que Kadhafi a des problèmes, trois des Libyens qui veillaient sur ses biens ici sont partis», explique un gardien qui disparaît en apprenant être en face d'un journaliste.

À travers un grillage, on aperçoit l'intérieur du domaine poussiéreux. Des centaines de dattiers, amenés par vol spécial de Libye, et des eucalyptus ploient sous la chaleur. Une grosse moto-pompe, visiblement à l'arrêt depuis plusieurs jours, est resté dans la cour au gazon mal entretenu.

Le gardien, menaçant, demande au journaliste de l'AFP d'aller voir «le chef libyen» dans un hôtel, également libyen, pour «avoir tous les renseignements» sur les intérêts du régime Kadhafi à Tombouctou. La construction de cet hôtel, sur les hauteurs de la ville, a englouti plusieurs dizaines de millions d'euros et n'est pas encore terminée.

Un envoyé du guide libyen, venu pour l'achèvement des travaux, a disparu dès qu'il a appris que le colonel Kadhafi était en difficulté, selon des sources concordantes.

«Le peuple libyen vaincra. Je suis dans l'équipe qui veille sur les intérêts libyens à Tombouctou», se contente de lâcher «le chef libyen», un homme à la fine moustache.

«Kadhafi est un mégalomane. Quand son entourage, très pourri, venait ici, il fallait toujours leur faire de fausses factures», confie un grand commerçant de Tombouctou, sous couvert d'anonymat.

Autre réalisation de Kadhafi en train de dépérir, le canal d'eau de la ville mis en service en 2007. Bras naturel du fleuve Niger passant dans la ville, il est ensablé et asséché.

En 2006, le guide libyen avait financé l'aménagement du canal, d'une longueur de 14,3 km et d'une largeur variant entre 7 et 12 m, qui devait drainer l'eau du Niger jusqu'à Tombouctou, servir d'abreuvoir aux animaux et aux activités maraîchères.

«Maintenant que Kadhafi a des problèmes, le canal aussi risque d'en avoir», s'inquiète Mohamed Iddi, membre de l'Association des jeunes musulmans de Tombouctou. Il affirme déjà sentir «dans le portefeuille» l'absence du guide libyen pour d'autres projets.

«Ici à Tombouctou, il y a quelques dizaines d'écoles et de maîtres coraniques qui ont mensuellement une subvention financière de la Libye. Avec la nouvelle situation, on se sait pas comment on aura cet argent le mois prochain», explique t-il.

«Ne croyez pas que c'est parce que Kadhafi nous finance qu'il est soutenu dans son bras de fer contre les Occidentaux. C'est parce qu'il est musulman comme nous, et il est victime d'une attaque injuste», affirme Mohamed Iddi.

À Tombouctou comme dans plusieurs autres villes maliennes dont la capitale Bamako, des marches de soutien au colonel Kadhafi contre les bombardements de l'OTAN ont été organisées.