Neuf personnes ont été tuées et plus d'une centaine d'autres ont été blessées samedi soir dans des affrontements entre musulmans et chrétiens dans un quartier du Caire, selon un bilan provisoire communiqué dans la nuit par le ministère de la Santé.

Le ministère n'a pas précisé la confession des victimes de ces affrontements survenus dans le quartier populaire de Imbaba, dans le nord-ouest de la capitale égyptienne, qui aggravent un climat déjà tendu entre communautés religieuses.

Les heurts ont eu lieu lorsque des musulmans ont attaqué une église chrétienne copte, Saint-Mina, en assurant vouloir libérer une femme chrétienne qui serait selon eux détenue après avoir voulu se convertir à l'islam.

Un responsable de la paroisse, le père Hermina, a déclaré à l'AFP que les morts étaient des Coptes tués lors d'une attaque en fin de journée «par des voyous et des salafistes (un mouvement fondamentaliste islamiste, ndlr) qui ont tiré sur nous».

Un corps recouvert d'un drap sur lequel était posé un exemplaire de l'Évangile reposait dans l'église, dont le sol portait des traces de sang.

Des militaires, présents sur les lieux, ont tiré en l'air pour tenter de séparer les deux camps. Des musulmans ont quant à eux lancé des cocktails Molotov sur les chrétiens, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les blessés, victimes de fractures ou de blessures par balles, ont été transférés à bord d'ambulances vers quatre hôpitaux de la ville, selon des sources médicales.

La situation sur place restait toujours très tendue dans la nuit de samedi à dimanche.

Des «voyous» ont également attaqué dans la soirée une autre église du quartier, l'église de la Vierge Marie, à laquelle ils ont mis le feu, a-t-on appris auprès des services de sécurité. Des pompiers étaient sur place dans la nuit pour tenter de maîtriser l'incendie.

L'armée promet d'agir

L'armée égyptienne a promis d'agir fermement contre les responsables des affrontements entre musulmans et chrétiens qui ont éclaté samedi soir au Caire.

Un général, s'exprimant dans la nuit sur la chaîne privée ON-TV, a promis que l'armée «ne permettra pas à quelque courant que ce soit d'imposer son hégémonie en Égypte».

L'officier, dont le nom n'a pas été précisé, a souligné que toute personne présente sur les lieux des heurts était susceptible d'être arrêtée en vertu d'une nouvelle loi sur le banditisme, qui prévoit des sanctions renforcées.

L'armée égyptienne assure la direction du pays depuis la chute du président Hosni Moubarak le 11 février dernier à la suite d'une révolte populaire.

Les Coptes

Les Coptes, ou chrétiens d'Égypte représentent entre 6 et 10% de la population égyptienne, qui compte au total plus de 80 millions de personnes. Ils constituent la plus importante minorité chrétienne du Moyen-Orient.

Des polémiques concernant des conversions supposées de chrétiennes à l'islam, qui seraient détenues dans des églises ou des monastères, provoquent des tensions depuis des mois entre les deux communautés.

Plusieurs manifestations à l'appel des salafistes ont eu lieu ces dernières semaines sur ce thème. La dernière, vendredi au Caire, a tourné au soutien à Oussama ben Laden, le chef d'Al-Qaïda tué dans une opération commando américaine au Pakistan.

Les deux affaires de conversions présumées les plus sensibles en Égypte concernent Camilia Chehata et Wafa Constantine, des épouses de prêtres coptes orthodoxes qui seraient cloîtrées contre leur gré après avoir voulu changer de confession, ce que dément l'église copte.

Ces affaires avaient trouvé un écho dans les menaces proférées contre les Coptes par une branche irakienne d'Al-Qaïda après le carnage le 31 octobre à Bagdad dans une cathédrale syriaque catholique qui avait fait 53 morts, promettant d'autres attaques si les deux femmes n'étaient pas relâchées.

Deux mois plus tard, dans la nuit de la Saint-Sylvestre, un attentat contre une église copte à Alexandrie (nord de l'Égypte) faisait 21 morts.

Les Coptes, présents en Égypte depuis les premiers temps du christianisme, avant l'ère islamique, se plaignent de discriminations et de marginalisation croissante dans la société égyptienne, en grande majorité musulmane sunnite.

Leur sentiment d'insécurité s'est aggravé depuis la chute le 11 février dernier du président Hosni Moubarak, qui s'est traduite par une visibilité accrue du mouvement salafiste, un courant sunnite qui prône un retour aux pratiques en cours dans les premiers temps de l'islam.