La contestation a gagné du terrain lundi au Burkina Faso où des jeunes ont manifesté violemment à Koudougou et où la mutinerie de soldats s'est étendue à une quatrième ville, Kaya, après celles de Ouagadougou, Pô et Tenkodogo.

À Koudougou, une manifestation d'étudiants a dégénéré: les jeunes ont incendié le siège du Congrès pour la démocratie et le développement (CDP, au pouvoir), une résidence de l'ex-Premier ministre Tertius Zongo, limogé vendredi, ainsi que le domicile du proviseur du principal lycée de la ville.

Koudougou est la ville d'où est partie la contestation au Burkina Faso, après la mort d'un élève, Justin Zongo, le 20 février lors d'une manifestation.

Ses proches avaient accusé la police d'être à l'origine de sa mort, les autorités affirmant qu'il était décédé d'une méningite.

«Nous voulons contraindre le pouvoir (...) à se pencher sur nos préoccupations» et à établir «la vérité et la justice pour Justin Zongo et pour toutes les victimes de la répression», ont indiqué des manifestants.

Cette manifestation violente est survenue quelques heures après une nouvelle mutinerie à Kaya où des soldats et des gendarmes sont descendus pendant plusieurs heures dans les rues où ils ont tiré en l'air jusqu'à 6H00 locales (2h00 HNE). Les tirs ont cessé, faute de munitions.

Les mutins ont incendié le domicile du chef du corps du régiment de commandement d'appui et de soutien (CAS) et saccagé celui du commandant de la 1ère région militaire, celle de Kaya.

Selon un officier, les militaires demandent «le paiement d'indemnité de logement, de primes alimentaires et des salaires du mois de mars qui n'ont pas été versés du fait de la fermeture des banques à cause de la mutinerie».

Les soldats «s'imitent», a ajouté l'officier. «Leurs camarades ont tiré, eux aussi tirent pour montrer qu'ils sont des militaires. Ils ont appelé des garnisons pour leur dire que s'ils n'ont pas tiré, ils sont des femmes. Ça incite tout le monde à en faire de même».

Le paiement des salaires de mars avait débuté samedi dans la capitale et s'est poursuivi lundi dans toutes les garnisons du pays, a-t-il affirmé.

L'indemnité de logement et la prime alimentaire, une des principales revendications des mutins, ont également commencé à être payées dans tous les camps, selon la même source.

Cependant, dans un camp près de Ouagadougou, des soldats ont à nouveau tiré en l'air pendant une heure environ.

À Pô (sud) où sont formées les unités d'élite de l'armée et où les soldats s'étaient mutinés samedi et dimanche, et Tenkodogo (est), théâtre d'une mutinerie dimanche, le calme est revenu.

La vie à Ouagadougou, qui depuis jeudi soir avait des allures de ville morte, a repris son cours normal, sans incidents au marché central, théâtre samedi de violences provoquées par des commerçants excédés par l'action des militaires qui avaient pillé et saccagé de nombreuses boutiques.

Au moins 45 personnes ont été blessées par balle depuis jeudi à Ouagadougou et deux à Pô, ont indiqué à l'AFP des sources hospitalières. Des cas de viols ont également été signalés.

Deux militaires ont par ailleurs été tués «par accident» depuis le 15 avril, selon une source militaire.

Le mouvement de contestation des soldats était parti jeudi de la propre garde du chef de l'État Blaise Compaoré, puis s'est étendu à d'autres garnisons et d'autres villes.

Pour tenter de contenir la révolte, M. Compaoré a versé à sa garde la prime de logement et d'alimentation promise, dissous son gouvernement, nommé de nouveaux responsables des forces armées et instauré un couvre-feu dans la capitale.

Le pouvoir est confronté depuis février à plusieurs mouvements de contestation des jeunes, des magistrats, des commerçants et des soldats. Après la mort de Justin Zongo, au moins six autres personnes ont été tuées lors de manifestations violentes.

Le 8 avril, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté pacifiquement dans plusieurs villes du pays contre le régime Compaoré, dénonçant également des conditions de vie de plus en plus difficiles.

M. Compaoré a été réélu quatre fois avec plus de 80 % des voix depuis son arrivée au pouvoir en 1987 par un coup d'État.

Photo: AFP

Plusieurs édifices publics ont été incendiés à Ouagadougou, samedi, par des commerçants en colère contre les pillages des derniers jours.