Alassane Ouattara, 69 ans, élu président de Côte d'Ivoire le 28 novembre 2010 et reconnu par la communauté internationale, se retrouve en mesure d'exercer la plénitude de son pouvoir après l'arrestation lundi par ses forces de l'ex- président Laurent Gbagbo, qui refusait de partir.

Ce technocrate policé a dû recourir aux armes pour arracher à son rival le pouvoir que ce dernier ne voulait pas lâcher, héritant ainsi d'un pays profondément divisé.

Auparavant, 15 ans d'attente et de polémiques avaient fait d'Alassane Ouattara, originaire du nord majoritairement musulman, le symbole de la crise identitaire qui déchire le pays.

Le 2 décembre, il croit son heure venue quand la commission électorale annonce sa victoire (54,1%), validée par l'ONU. Mais le Conseil constitutionnel, acquis à son rival, invalide ces résultats et proclame M. Gbagbo réélu avec 51,45%.

Reconnu par la communauté internationale, Union africaine comprise, il joue longtemps la carte diplomatique pour obtenir le départ du sortant, tout en misant sur les sanctions économiques pour lui couper les vivres.

La «patience» - le mot est de lui - et le style mesuré de ce technocrate policé lui valent des critiques dans les rangs mêmes de ses soutiens, alors qu'il reste des mois confiné au Golf hôtel sous un blocus du camp adverse.

Pendant ce temps, son Premier ministre, le leader de l'ex-rébellion Guillaume Soro, incarne le «chef de guerre», avant même que M. Ouattara n'accepte de lancer l'offensive fin mars, les options pacifiques ayant échoué.

«Étranger» ou «cerveau» de la rébellion de 2002 contre M. Gbagbo selon ses adversaires, «ADO» (Alassane Dramane Ouattara) a été la victime des plus dangereux clivages ivoiriens, entre nord et sud, islam et christianisme, étrangers et autochtones.

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), il accomplit la majorité de sa scolarité au Burkina Faso voisin.

Aux États-Unis, il obtient en 1967 un doctorat en économie et entre l'année suivante au Fonds monétaire international (FMI). Il devient en 1983 vice-gouverneur de la Banque Centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO).

Il reconnaîtra lui-même avoir occupé plusieurs postes au titre de la Haute Volta, l'actuel Burkina Faso, ce qui va alimenter l'interminable débat sur sa nationalité.

Il est nommé en 1990 Premier ministre par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, fonction qu'il occupe jusqu'à la mort du «père de la Nation» en 1993.

Jugeant le scrutin non transparent, Alassane Ouattara renonce à se présenter à la présidentielle en 1995 face à Henri Konan Bédié, qui a succédé à Houphouët.

Mais redoutant ses ambitions, le camp Bédié développe le concept nationaliste d'«ivoirité» et tente de prouver l'inéligibilité de M. Ouattara, accusé d'être d'origine burkinabè.

À l'été 1999, ce dernier quitte son poste de directeur général-adjoint du FMI: revenu à Abidjan, il se lance dans la course présidentielle de 2000, mais sa candidature est rejetée pour «nationalité douteuse» par la junte au pouvoir.

Marié à une Française, Dominique Folloroux, il est alors plus que jamais le symbole de la fracture identitaire de ce pays de forte et ancienne immigration, qu'aggrave en 2002 la partition du pays en un sud loyaliste et un nord rebelle.

En 2005, sous pression sud-africaine, Laurent Gbagbo valide sa candidature à la présidentielle, plusieurs fois reportée.

Grâce à son alliance avec son ennemi d'hier Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara est d'abord déclaré vainqueur du scrutin de novembre 2010, mais le pays plonge dans une crise sanglante qui réveille le clivage nord-sud.

Le 7 avril, dans une adresse à la nation, il a assuré que «la Côte d'Ivoire est une et indivisible» et promis d'être le président «de tous les Ivoiriens».