La Côte d'Ivoire a sombré vendredi dans les violences, qui après Abidjan ont gagné la capitale politique Yamoussoukro, tandis que les ex-rebelles alliés à Alassane Ouattara s'affrontaient dans l'ouest aux forces loyales au président sortant Laurent Gbagbo.

La crise née de la présidentielle du 28 novembre entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, reconnu chef d'Etat par la communauté internationale, prenait depuis une semaine un tour de plus en plus violent.

Au lendemain de combats à Zouan-Hounien (ouest) entre éléments de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) - qui tiennent le nord ivoirien depuis 2002 - et Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo, les FN occupaient vendredi «toute la ville», a témoigné un habitant.

En allant un peu plus au sud, les FN ont également pris la petite localité de Bin Houyé. Plus au sud, dans la même zone, des combats ont fait rage durant la journée à l'entrée de la grande ville de Toulépleu, selon des témoins.

Mais la situation dans la zone était incertaine dans la soirée.

Une source au sein de l'état-major des FDS a affirmé que leurs hommes avaient pu reprendre Bin Houyé aux FN et que des combats se déroulaient actuellement «à la lisère de Zouan Hounien», des affirmations démenties côté FN.

Les combats dans l'ouest mais aussi à Abidjan ont poussé en 24 heures quelque 5.000 Ivoiriens à fuir au Liberia, portant à près de 45.000 le nombre de réfugiés dans ce pays, a indiqué l'ONU.

Signe de cette tension, Laurent Gbagbo a décrété pour le week-end un couvre-feu nocturne dans la zone sud qu'il contrôle.

A Yamoussoukro (centre), ville symbole, des échanges de tirs durant la nuit de jeudi à vendredi avaient fait plusieurs blessés dans le quartier pro-Ouattara de Dioulabougou, ont rapporté des habitants, faisant état de coups de feu et de tirs «à l'arme lourde».

A Abidjan, le quartier d'Abobo (nord), favorable à M. Ouattara, ressemblait de plus en plus à une zone de guerre après trois jours d'affrontements, au lance-roquettes notamment, entre les FDS et des insurgés.

«Il y a des cadavres partout», a raconté un retraité, épouvanté.

Des blindés s'étaient déployés et des milliers de familles terrorisées fuyaient Abobo, baluchons sur la tête ou à l'épaule.

«On ne peut pas rester là dedans! Les enfants pleurent», a confié une mère.

Le gouvernement Gbagbo a accusé les «rebelles» FN d'avoir «infiltré» Abobo et d'autres quartiers populaires, avec la complicité de la mission de l'ONU dans le pays, l'Onuci.

Charles Blé Goudé, ministre et chef des «patriotes» pro-Gbagbo, a appelé les jeunes à s'organiser en «comités d'autodéfense» pour empêcher «par tous les moyens» l'Onuci de circuler.

«Aujourd'hui ce ne sont pas les rebelles qui nous font la guerre, c'est l'Onuci qui nous la fait», a-t-il lancé devant quelque 3.000 personnes réunies dans le quartier de Yopougon (ouest), bastion de son champion.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a «fermement déploré» ces menaces et exigé leur «cessation immédiate».

Mais les FDS ont accusé la force onusienne d'avoir tué un policier lors d'un incident à Daloa (centre-ouest). Démenti catégorique de l'Onuci, qui a affirmé n'avoir «jamais tiré sur personne» ni à Daloa ni ailleurs.

A Yopougon aussi, des affrontements ont éclaté dans la matinée. Des jeunes pro-Ouattara ont incendié un bus et les «patriotes» ont répliqué en brûlant plusieurs mini-cars («gbakas»), transport collectif réputé contrôlé par le camp adverse. Des échauffourées ont continué durant la journée.

La flambée de violences survient alors que l'Union africaine tente une nouvelle médiation. Après un passage à Abidjan en début de semaine, quatre présidents africains se retrouvent le 4 mars à Nouakchott, selon une source diplomatique mauritanienne. Ils sont censés arriver à des solutions «contraignantes» fin février.