Le mouvement de protestation contre le régime en Égypte a fortement mobilisé parmi les jeunes et les classes moyennes au travers de l'Internet et des réseaux sociaux, posant un défi aux autorités tout comme à l'opposition traditionnelle.

Comme en Tunisie, Facebook et Twitter ont fourni des outils de première importance pour sensibiliser, faire passer des slogans, indiquer des points de ralliement.

«Ce qui s'est passé en Égypte à été quasiment entièrement organisé sur Facebook», souligne le politologue et blogueur Iskander al-Amrani.

Fer de lance de la contestation, le groupe d'opposition «Mouvement du 6 avril» a lancé quelques jours avant les manifestations une forme de sondage sur Facebook avec cette question: «allez-vous manifester le 25 janvier?»

Près de 90 000 personnes ont répondu «oui» sur la toile. Et quelques jours plus tard, dans la rue, les plus grandes manifestations anti-régime en 30 ans de pouvoir du président Hosni Moubarak avaient lieu.

Une grande partie de l'opposition traditionnelle, laïque ou islamiste, qui avait boudé l'initiative ou ne s'y était ralliée que du bout des lèvres, multiplie aujourd'hui les communiqués de soutien.

Les autorités, quant à elles, n'ont pas commenté publiquement cette irruption des réseaux sociaux et des nouvelles techniques de communication dans le champ politico-sécuritaire.

Le site de micro-blogs Twitter a toutefois confirmé depuis les États-Unis avoir été bloqué mardi en Égypte.

Blocage également pour le site Internet suédois Bambuser, qui permet de visionner directement «en flux» («streaming») sur l'Internet des vidéos filmées par téléphone mobile ou webcam.

Le site spécialisé dans la surveillance d'Internet Herdict.org a dit qu'il était impossible mercredi de se connecter en Égypte au site de socialisation Facebook, mais sur place de nombreux utilisateurs ont seulement fait état de difficultés ponctuelles d'accès au site.

Mardi, les téléphones portables ne recevaient plus de signal dans le secteur de la place Tahrir, au centre du Caire, point de ralliement de milliers de manifestants.

Des militants pro-démocratie ont contre-attaqué en diffusant des conseils techniques pour contourner ces blocages «afin de permettre la pousruite de la mobilisation».

À Washington, la secrétaire d'État Hillary Clinton a demandé au gouvernement égyptien «à ne pas empêcher les manifestations pacifiques et à ne pas bloquer les communications, particulièrement celles des réseaux sociaux», appelant toutes les parties à la «retenue».

Fondé en 2008, le «Mouvement du 6 avril» est un groupe de militants pro-démocratie qui fonctionne essentiellement sur Internet. Il revendique des dizaines de milliers de membres, principalement des jeunes ayant un bon niveau d'éducation, qui y trouvent un lieu d'expression moderne et ouvert.

Internet a fait une percée en Égypte, avec fin 2010 quelque 23 millions d'usagers réguliers ou occasionnels, en augmentation de 45% sur un an, pour une population de plus de 80 millions d'habitants.

La téléphonie mobile est aussi en plein essor, avec 65 millions d'abonnés, en hausse de 23% sur un an selon les statistiques officielles.

L'exemple égyptien montre néanmoins que la maîtrise technologique ne permet pas d'assurer seule le succès d'un mouvement contestataire, même si elle peut lui donner un élan spectaculaire.

«Les jeunes qui manifestaient ont décidé de leurs demandes durant les manifestations», montrant un manque de préparation, relève M. Amrani.

Pour Amr al-Chobaki, politologue de l'institut al-Ahram, l'ampleur du mouvement tient à son écho bien au delà des jeunes internautes. «L'étendue inattendue des protestations est due à plusieurs facteurs, surtout le blocage politique d'un régime en place depuis 30 ans. Et il y a bien entendu la révolte tunisienne, qui est l'inspiratrice».