Plusieurs membres de la diaspora tunisienne de Montréal sont restés sceptiques devant les promesses effectuées hier par le président Zine el-Abidine Ben Ali dans son discours télévisé.

En poste depuis 1987, le chef du gouvernement tunisien a annoncé qu'il quitterait ses fonctions dans trois ans, à la fin de son mandat. Il a aussi promis la liberté «totale» de l'information et de l'internet, la diminution du prix des denrées ainsi que la fin des tirs sur les manifestants.

Une trentaine d'hommes de la communauté tunisienne de Montréal se sont réunis hier au café Sidi Bou Saïd, dans le quartier Saint-Michel, pour écouter le discours du président Ben Ali, projeté sur grand écran. Pour eux, l'allocution visait exclusivement à apaiser la révolte sociale qui fait rage dans le pays depuis un mois.

«Il veut uniquement calmer les gens, mais cette fois-ci personne ne va l'entendre», a lancé Sami Brahim, 35 ans. «Il a vu que la rue tunisienne a atteint un point qu'il ne peut plus contrôler alors il nous fait des promesses. Mais ça ne sert à rien, le peuple ne lui fait plus confiance.»

«Ben Ali a joué sa dernière carte», a ajouté Maher Gasmi. «Mais je me suis moqué de lui, il dit n'importe quoi. Ma seule crainte c'est qu'il a mis le paquet, il a fait de grandes promesses. J'ai peur que les Tunisiens soient bernés et qu'ils le suivent. Il ne faut pas oublier que c'est un dictateur et que les gens qui ont vécu sous le régime ne savent pas nécessairement ce qu'est la liberté d'expression.»

Rappel

La Tunisie est le théâtre de vives contestations depuis la mi-décembre. La vague de manifestation a débuté après qu'un vendeur ambulant sans permis se soit immolé par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise de fruits et légumes. Il a succombé à ses blessures quelques semaines plus tard. Depuis, Mohamed Bouazizi, 26 ans, est devenu le symbole des contestations contre la précarité sociale et le chômage.

La révolte sociale a commencé à dégénérer le week-end dernier en émeutes sanglantes. Les chiffres du gouvernement font état de 23 morts (la plupart par balle) depuis le début des violences, tandis que des ONG et les syndicats évoquent au moins une cinquantaine de morts.

Hier, c'était la troisième fois depuis le début des troubles que le président Ben Ali prenait la parole à la télévision.

Les événements qui secouent la Tunisie ont aussi mobilisé la communauté à Montréal. Depuis trois semaines, six manifestations ont été organisées devant le consulat de Tunisie, rue University au centre-ville. Samedi prochain, un autre rassemblement est prévu au square Dorchester entre 14h et 16h.

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Le gendre de Ben Ali à Montréal

Le genre du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali était de passage à Montréal cette semaine, a révélé hier Rue Frontenac. Selon le site web d'information des lock-outés du Journal de Montréal, Mohamed Sakher El Materi aurait atterri à l'aéroport Montréal-Trudeau mardi soir. Il serait reparti quelques heures plus tard. Dans un point de presse en arabe qui peut être visionné sur sa page Facebook, El Materi, qui est également député, affirme qu'il a conduit sa femme à Montréal, car elle doit bientôt y accoucher. Il a balayé d'un revers de main les accusations selon lesquelles il aurait tenté de fuir le pays en raison du climat politique.