La révolte sans précédent que connaît la Tunisie depuis la mi-décembre contre le chômage a dégénéré ce week-end en émeutes sanglantes, faisant huit tués par balle selon le gouvernement et au moins 20 selon l'opposition à Thala et Kasserine.

Ces affrontements, qui se poursuivaient dimanche à la mi-journée selon des sources concordantes, ont fait huit tués par balle et neuf blessés dans ces deux localités, selon un dernier bilan officiel du ministère de l'Intérieur.

Cependant, des témoignages concordants recoupés par l'AFP, au moins quatre personnes ont été tuées dimanche par balle à Kasserine, à 290 km au sud de Tunis, et quatre autres au moins la veille à Thala.

Ces sources ont affirmé que le bilan devrait s'alourdir en raison d'un «grand nombre de blessés graves», alors que des syndicalistes parlant sous couvert d'anonymat ont fait état dimanche à l'AFP de 35 morts entre Thala et Kasserine et Regueb, dans la région de Sidi Bouzid.

Un dirigeant de l'opposition Ahmed Nejib Chebbi a annoncé quant à lui, au moins vingt tués par balles et appelé le président Zine El Abidine Ben Ali à ordonner «un cessez-le-feu immédiat».

«Les informations qui nous proviennent de Kasserine et Thala font état d'au moins de vingt morts tombés sous les balles depuis samedi», a déclaré à l'AFP Ahmed Nejib Chebbi, chef historique du Parti démocratique progressiste (PDP, opposition légale).

«On a tiré sur les cortèges funèbres», a-t-il affirmé, expliquant tenir ses informations des relais de son parti dans les deux villes.

Le bilan gouvernemental limite à huit morts par balle au total, le nombre de manifestants tués depuis le début de l'agitation partie de Sidi Bouzid, après le suicide le 17 décembre d'un vendeur ambulant sans permis qui s'était immolé pour protester contre la saisie de sa marchandise de fruits et légumes.

Mohamed Bouazizi, 26 ans, soutien de famille, est devenu le symbole d'une révolte sans précédent contre la précarité sociale et le chômage qui a gagné  autres régions, où actes suicidaires, grèves et manifestations se sont multipliés.

Le gouvernement a fait état de «nombreux agents de l'ordre blessés dont deux «dans un état critique», indiquant que les forces de sécurité ont fait usage de leurs armes, après sommation, dans un acte de «légitime défense», lorsque des individus ont voulu forcer le siège de la Délégation de Thala (sous-préfecture) au moyen de bouteilles incendiaires, de pierres et de bâtons.

«Il ne s'agit pas de manifestants, ni de revendications sociales, ce sont des bandes de pilleurs infiltrés», a dit à l'AFP un responsable gouvernemental sous couvert d'anonymat.

Dans un bulletin spécial, la télévision nationale TV-7 a diffusé des images de bâtiments mis à sac à Thala, avec des équipements calcinés, des toits éventrés, des portes et fenêtres cassées.

Elle a interrogé des habitants qui ont dénoncé des «actes de violence injustifiée perpétrés par des délinquants» sans rapport avec les revendications de la population, selon eux.

Cet accès de violence «traduit un ras-le-bol des jeunes qui sont sortis la nuit pour se venger des forces de répression et crier leur colère contre un régime qui méprise leurs aspirations», a estimé Menzli Chaabani, un opposant de Kasserine.

Samedi, alors que l'agitation entrait dans sa 4e semaine, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale unique) a proclamé son appui aux revendications «légitimes» des populations à Sidi Bouzid et dans les régions intérieures.