Le camp d'Alassane Ouattara, le président ivoirien reconnu par la communauté internationale qui exige le départ de son rival Laurent Gbagbo, a réclamé jeudi l'envoi d'une mission de la Cour pénale internationale pour enquêter sur des violences ayant fait 173 morts en cinq jours, selon l'ONU.

«Entre le 16 et le 21 décembre, les responsables des droits de l'homme (en Côte d'Ivoire) ont reçu des informations sur 173 meurtres, 90 cas de tortures et de mauvais traitements, 471 arrestations, 24 cas de disparitions forcées ou involontaires», a affirmé jeudi à Genève la Haute commissaire adjointe aux droits de l'homme de l'ONU, Kyung-Wha Kang.

«Cette situation s'est caractérisée par l'usage excessif de la force par les partisans de Laurent Gbagbo», a-t-elle ajouté, regrettant les restrictions imposées au déplacement du personnel de l'ONU qui l'ont empêché de vérifier des informations sur l'existence de charniers.

Elle s'est dite «alarmée par les violences occasionnées» depuis le second tour de la présidentielle du 28 novembre, qui a plongé le pays dans une grave crise : la victoire d'Alassane Ouattara a été annoncée par la Commission électorale et reconnue à l'étranger, mais invalidée par le Conseil constitutionnel qui a proclamé président le sortant Laurent Gbagbo.

A la demande du Nigeria et des Etats-Unis, une session spéciale du Conseil des droits de l'homme de l'ONU s'est ouverte jeudi à Genève en vue d'examiner un projet de résolution dénonçant les «atrocités» commises dans ce pays et appelant au «respect de la volonté du peuple».

Une semaine après la sanglante répression par les forces favorables à M. Gbagbo d'une marche avortée des partisans de M. Ouattara sur le siège de la télévision d'Etat RTI, pilier du régime en place, le gouvernement Ouattara a réclamé la venue d'une mission de la Cour pénale internationale (CPI).

Dans un entretien accordé au quotidien français Libération, son Premier ministre Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Force nouvelles (FN), dit souhaiter que «tous ceux qui sont impliqués d'une manière ou d'une autre» dans les violences du 16 décembre et celles qui ont suivi soient «transférés à La Haye».

«Nous espérons vivement que la communauté internationale ne prenne pas trop de temps pour se rendre compte que la place de Gbagbo n'est pas au palais présidentiel, mais à la Cour pénale internationale à La Haye», insiste-t-il.

La veille, de l'hôtel d'Abidjan où le camp Ouattara est toujours retranché, Soro avait exhorté le monde à employer «la force» pour déloger M. Gbagbo.

Le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt, a estimé qu'il revenait aux pays africains de décider d'un recours ou non à la force, ajoutant que «la France ne peut en aucune manière recommander le recours à la violence».

Un rendez-vous important a lieu vendredi à Abuja, au Nigeria, avec un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) sur la Côte d'Ivoire.

Avant son déroulement, des discussions se sont ouvertes entre les Etats-Unis et des pays de la Cédéao sur un éventuel renforcement des effectifs de la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci, près de 9.000 hommes), appuyés par les 900 soldats français de l'opération Licorne.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui craint «une guerre civile» dans le pays, a opposé une fin de non-recevoir à la demande de Laurent Gbagbo d'un retrait de ces deux forces, accusées de soutenir le camp Ouattara.

Après les sanctions de l'Union européenne et des Etats-Unis le visant ainsi que certains de ses proches, la pression internationale s'est renforcée sur le président sortant, avec la reconnaissance par l'ONU de l'ambassadeur désigné par M. Ouattara, Youssouf Bamba, auprès de l'organisation internationale.

Mais Laurent Gbagbo, qui a réaffirmé qu'il était le «président de la République de Côte d'Ivoire», n'entend pas céder. «Nous sommes forts, nous résistons, nous sommes courageux», a-t-il lancé, évoquant une «lutte indispensable» pour libérer l'Afrique.