La communauté internationale, qui exige le départ du dirigeant ivoirien Laurent Gbagbo, fait le pari de l'asphyxie de son administration en favorisant le transfert du pouvoir financier à Alassane Ouattara, reconnu comme le président élu de Côte d'Ivoire.

Rompu aux mécanismes de la finance, Alassane Ouattara, ancien directeur adjoint du Fonds monétaire international (FMI), table sur un grignotage des pouvoirs économiques de son rival.

«Il faut maintenir la pression, voire l'augmenter notamment par le fait que la seule signature bancaire valable pour l'Etat ivoirien c'est désormais celle de M. Ouattara», disait cette semaine la ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie.

Ancienne puissance coloniale, la France a demandé vendredi à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir «avant la fin de la semaine», emboîtant le pas des Etats-Unis, pour qui il n'a qu'«un temps limité» pour s'en aller.

L'Union européenne de son côté prépare des sanctions contre 18 ou 19 proches de Laurent Gbagbo, dont un gel de leurs avoirs, et s'interroge sur l'opportunité de le viser lui-même.

«Laurent Gbagbo fait face à des mesures qui l'étranglent progressivement: M. Ouattara a commencé à nommer des ambassadeurs, il y a les sanctions individuelles prises par l'Union européenne, il y a la fermeture des comptes de l'Etat avec la seule signature reconnue, celle d'Alassane Ouattara», assure un haut responsable français.

Pour ce responsable, «la reconnaissance de la seule signature de Ouattara» doit avoir un impact à une échéance plus ou moins longue sur la paie des militaires, dont la loyauté à Laurent Gbagbo est cruciale. «Il faut environ un mois pour que cette reconnaissance produise des effets concrets», ajoute-t-il.

Car les experts mettent en garde contre la lenteur du processus et les effets politiques de sanctions qui pourrraient renforcer le chef de l'Etat sortant auprès des Ivoiriens. Laurent Gbagbo dispose très probablement de réserves financières et de ressources échappant au contrôle international.

«Dans le cas du clan Gbagbo, la leçon depuis le début de la crise, c'est que les pressions extérieures sont utilisées comme une ressource politique, retournées dans une logique de souveraineté ultra-nationaliste», note Richard Banegas, historien spécialiste de la Côte d'Ivoire.

«Laurent Gbagbo contrôle les lieux de production et d'exportation du pétrole et du cacao (dont le pays est le premier producteur mondial, ndlr) (...) Si on voulait étouffer le régime, il faudrait par exemple envisager le blocus du port d'Abidjan», ajoute-t-il.

C'est au coeur des institutions africaines, en particulier à la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), que se situe tout de même une partie de la réponse pour les Occidentaux et le camp Ouattara.

«Les Etats ont toujours un compte en devises auprès de la direction nationale de la Banque centrale (BCEAO). Toutes les opérations avec le FMI, les bailleurs, l'étranger, passent par ce compte», explique un expert financier, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest.

«Par exemple, l'aide publique au développement de la France à la Côte d'Ivoire est versée sur ce compte. C'est aussi le cas des ressources liées à l'import/export, comme les taxes sur les revenus du cacao ou du pétrole. C'est une énorme partie du budget», poursuit-il.

«Actuellement, trois personnes ont la signature sur ce compte: Alassane Ouattara, le Premier ministre Guillaume Soro et le ministre de l'Economie Charles Diby Koffi, qui l'avait déjà» car il a été maintenu dans ses fonctions dans le cabinet nommé par Alassane Ouattara, dit-il.

Le gouvernement de M. Gbagbo a réagi en accusant vendredi son rival d'essayer de nommer des représentants au sein des organisations économiques ouest-africaines.

«En outre, on note une volonté» de M. Ouattara «et de ses soutiens régionaux et internationaux de faire jouer à la BCEAO un rôle politique qui n'est pas le sien», dit un communiqué gouvernemental.