Trois ans après les violences post-électorales au Kenya qui avaient fait plus de 1100 morts, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a révélé mercredi les noms de six suspects, dont deux candidats potentiels à l'élection présidentielle de 2012.

«Ceux-là sont les principaux responsables mais bien sûr, il y en a beaucoup d'autres (...) nous nous concentrons sur les plus responsables», a déclaré M. Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse à La Haye.

Il a demandé aux juges de la CPI de délivrer des citations à comparaître pour crimes contre l'humanité à l'encontre de six personnes.

Parmi elles figurent le vice premier ministre et ministre des Finances Uhuru Kenyatta et le ministre, suspendu pour une autre affaire, de l'Éducation William Ruto, membres des deux principaux partis de la coalition gouvernementale et candidats potentiels à l'élection présidentielle de 2012.

«La période post-électorale de 2007-2008 a été l'une des périodes les plus violentes de l'histoire de la nation», a affirmé M. Moreno-Ocampo.

Selon des chiffres publiés mercredi par l'accusation, plus de 1100 personnes ont été tuées, 3500 blessées et jusqu'à 600 000 personnes déplacées lors des violences politico-ethniques qui avaient accompagné la réélection contestée du président Mwai Kibaki le 27 décembre 2007 face à son adversaire Raila Odinga, aujourd'hui premier ministre du gouvernement de coalition.

Le procureur a présenté aux juges deux dossiers distincts de crimes contre l'humanité.

Le premier met en cause trois membres de l'ethnie kalenjin, dont deux responsables du Mouvement orange démocratique (ODM) de M. Odinga, William Ruto et le ministre kenyan de l'Industrialisation Henry Kosgey, ainsi que le directeur d'une station de radio locale, Joshua Arap Sang.

Les trois hommes sont soupçonnés d'être les «principaux organisateurs et responsables» de crimes commis contre des partisans du Parti de l'unité nationale (PNU) du président Kibaki: meurtres, transferts forcés de population, persécutions basées sur l'appartenance politique et tortures.

Le second dossier compte également trois suspects : deux responsables du PNU, le vice Premier ministre Uhuru Kenyatta et le chef des Services publics Francis Muthaura, soupçonnés de crimes contre des sympathisants de l'ODM, ainsi que l'ancien chef de la police, Hussein Ali.

Les trois hommes sont soupçonnés de meurtres, tranferts forcés de population, persécutions basées sur l'appartenance politique, viols et autres actes inhumains.

À Nairobi, M. Kenyatta, fils du héros de l'indépendance kényane Jomo Kenyatta, s'est dit prêt à s'expliquer devant la CPI.

«Je n'ai jamais commis aucun crime», a-t-il assuré. «Je me trouve à présent en position de suspect. Je suis prêt à répondre à toutes les allégations faites contre moi», a-t-il ajouté à la presse.

M. Moreno-Ocampo avait été autorisé par les juges de la CPI le 31 mars à enquêter sur les crimes commis au Kenya après les élections de fin 2007, à la suite de l'échec de Nairobi à mettre en place un tribunal spécial pour les juger.

«L'intervention de la CPI n'est qu'une étape dans un processus», a souligné M. Moreno-Ocampo : «le futur du Kenya se trouve dans les mains des Kenyans, nous essayons de les aider». «C'est le début d'un long voyage pour la justice au Kenya», a-t-il dit.

Le procureur avait détaillé mardi les obligations «strictes» qu'il souhaite voir imposées aux suspects, précisant que si elles n'étaient pas respectées, il demanderait des mandats d'arrêt.

Le magistrat a demandé que les suspects n'aient aucun contact entre eux, ni avec les témoins ou les victimes des crimes, qu'ils ne falsifient pas de preuves et qu'ils n'entravent pas l'enquête.

La CPI est le premier tribunal international permanent chargé de poursuivre des auteurs de crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocides commis depuis 2002.