Les deux présidents proclamés de Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, sont engagés dans une course contre la montre pour s'assurer le pouvoir, le second, soutenu par la communauté internationale, cherchant à contrôler les finances publiques.

Mercredi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a annoncé dans une déclaration son soutien au président élu Alassane Ouattara, à l'issue d'âpres discussions en raison de réticences de la Russie, qui bloquait depuis plusieurs jours son adoption.

Dans un avertissement clair au président sortant Laurent Gbagbo, «les membres du Conseil de sécurité condamnent dans les termes les plus forts possibles tout effort de renverser la volonté du peuple».

Les quinze pays du Conseil de sécurité ont en outre brandi la menace de sanctions contre quiconque menacerait le processus de paix en Côte d'Ivoire.

A Abidjan, alors que les deux camps se sont dotés chacun d'un gouvernement, la bataille pour la prise en main de l'administration s'est engagée.

Nul ne sait combien de temps va durer cette lutte cruciale déclenchée après la présidentielle du 28 novembre, et les Abidjanais ont retrouvé un quotidien quasi-normal avec des marchés de nouveau fréquentés et des embouteillages sur les grands axes.

Au pouvoir depuis dix ans, Laurent Gbagbo a formé mardi un cabinet au complet d'une trentaine de ministres alors que son rival a nommé un gouvernement encore à parachever.

M. Gbagbo a placé des proches à des postes stratégiques, et pas seulement au gouvernement. Ancien ministre de l'Intérieur comptant parmi les hommes forts du camp du sortant, Désiré Tagro devient secrétaire général d'une présidence d'abord soucieuse de consolider son pouvoir et qui dispose de l'armée.

Ancien Premier ministre, Alassane Ouattara entend lui aussi avancer ses pions: «C'est nous qui avons le pouvoir, il s'agit de le rendre effectif», a résumé son Premier ministre Guillaume Soro, chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) qui tient le Nord du pays depuis son coup d'Etat manqué de 2002.

Nominations d'ambassadeurs, et surtout finances publiques: le camp Ouattara veut au plus vite se donner des moyens d'action.

«D'ici la fin de la semaine», M. Soro espère commencer à prendre le contrôle des régies financières, Trésor, douanes ou impôts.

Mais pour l'heure, les nominations en rafales de M. Ouattara dans la haute fonction publique ou au Comité de gestion du cacao - dont la Côte d'Ivoire est le premier producteur mondial - n'ont pas eu d'effet visible.

Et la télévision publique RTI, dont l'ex-opposant a «changé» sur le papier l'équipe dirigeante, reste un atout majeur pour Laurent Gbagbo.

De même, les pressions de la communauté internationale restent pour l'instant sans conséquence. Elles ne cessent pourtant de prendre de l'ampleur alors que le risque que la situation ne dégénère est pris très au sérieux. Guillaume Soro a averti de «risques réels» d'embrasement.

Mercredi, c'est le président de l'Union africaine, le Malawite Bingu wa Mutharika, qui a à son tour appelé M. Gbagbo à se retirer pour «respecter la volonté du peuple» et éviter un «bain de sang».

La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) l'a aussi fermement exhorté mardi à «rendre le pouvoir sans délai» et a suspendu la Côte d'Ivoire en tant que pays membre de l'organisation.

Nicolas Sarkozy, président de l'ex-puissance coloniale française, a salué une décision «courageuse, historique».

Prenant position pour la première fois, l'Afrique du Sud, qui avait assuré une médiation dans la crise ivoirienne entre 2004 et 2006, a appelé M. Gbagbo à «se plier» aux injonctions de l'UA et de la Cédéao.

M. Ouattara a été donné vainqueur par la Commission électorale indépendante (CEI) avec 54,1% des suffrages, mais le Conseil constitutionnel, acquis à M. Gbagbo, a invalidé ces résultats et l'a proclamé président avec 51,45%.