Le parti au pouvoir en Égypte se retrouvera dimanche presque seul en lice pour le second tour des législatives, dont les deux principales formations de l'opposition islamiste et laïque se sont retirées en dénonçant des fraudes massives.

Les Frères musulmans, qui avaient remporté à la surprise générale en 2005 un cinquième des sièges du parlement, et le parti libéral Wafd ont annoncé leur retrait du scrutin en cours après avoir été écrasés par le Parti national démocrate (PND) du président Hosni Moubarak.

Le PND a raflé 209 des 221 sièges pourvus au premier tour (sur 508 en lice au total), soit 94,5%. Les islamistes, bredouilles, ne se trouvaient en ballottage que pour 27 sièges, tandis que le Wafd (six députés dans l'Assemblée sortante) a remporté deux sièges et une poignée de ballottages possibles.

Le parti de M. Moubarak ne fera donc face dimanche qu'à des indépendants et à de petits partis de l'opposition légale sans poids réel.

Pour le centre de recherche américain Carnegie, le paysage politique laissé par le scrutin est «frustrant», alors que le pays doit connaître dans un an une élection présidentielle dans un climat d'incertitude sur la succession possible de M. Moubarak, 82 ans.

«Il est clair que les citoyens égyptiens auront une Assemblée du peuple contrôlée par le PND pendant les cinq prochaines années», affirme le centre dans une analyse.

Ces élections, «en unifiant presque complètement les branches législative et exécutive, ne feront qu'aggraver les problèmes actuels de la politique égyptienne», ajoute-t-il, en évoquant «la faiblesse de la branche législative et le déclin continu de son rôle de supervision».

Vendredi, le quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom en était réduit à espérer une opposition émanant du PND lui-même, faute d'une vraie opposition parlementaire.

«Nous n'avons pas besoin d'attendre dimanche prochain (...) pour féliciter le PND d'avoir mis la main sur le nouveau parlement tout entier», dit le journal d'un ton amer. «Notre ambition (...) a baissé, au point de chercher l'opposition, puis d'y compter, au sein du parti au pouvoir!», ajoute-t-il.

La presse gouvernementale, elle, ne cache pas sa satisfaction après la défaite des Frères musulmans.

Qualifiant leur déroute de «méritée», le quotidien Al-Akhbar juge que le retrait des Frères «fera du bien à la vie politique en Égypte et à son parlement».

«On n'aurait jamais dû permettre à une organisation interdite par la loi de participer à des élections en présentant ses membres sous le masque d'indépendants», poursuit-il.

Officiellement interdite, la confrérie islamiste est relativement tolérée dans les faits, bien que ses membres fassent régulièrement l'objet d'arrestations. Elle présente ses candidats sous l'étiquette d'indépendants.

Les Frères musulmans, principale force d'opposition du pays, ont justifié leur retrait par les violences qui ont marqué le premier tour et des «résultats falsifiés».

Le Wafd a indiqué qu'il renonçait aux deux sièges remportés lors de la première phase. Des journaux ont fait état vendredi de divisions au sein du parti sur la décision de se retirer du second tour.

Des observateurs égyptiens indépendants ainsi que la presse indépendante et d'opposition ont dénoncé des irrégularités au profit du PND le 28 novembre, avec des urnes bourrées, des achats de vote et l'envoi d'hommes de main pour intimider les électeurs.

Les États-Unis ont exprimé leur inquiétude face aux conditions dans lesquelles le premier tour s'est déroulé, un jugement qualifié «d'ingérence inacceptable» par Le Caire.