Les candidats Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont mobilisé vendredi des dizaines de milliers de partisans à Abidjan avant le second tour de la présidentielle ivoirienne de dimanche, destinée à tourner la page d'une décennie de tourmente politico-militaire.

En marge de ces manifestations, de nouveaux heurts entre sympathisants des deux camps ont fait plusieurs blessés, a-t-on appris de sources concordantes.

L'annonce par le président Gbagbo de l'instauration d'un couvre-feu dimanche au soir, à l'issue du scrutin a déclenché une vive polémique, le camp de l'ex-premier ministre Ouattara annonçant qu'il «ne se conformerait pas» à cette mesure.

Au dernier jour d'une campagne marquée par de fortes tensions, M. Gbagbo a appelé une foule en liesse à «mettre fin à onze ans de troubles» en préférant «celui qui a ramené la paix» à celui qui a apporté «la guerre», dans une dernière charge contre son adversaire.

«On va installer Gbagbo!», hurlaient de jeunes supporters rassemblés sur la place de la République, dans le quartier administratif du Plateau, située au centre du pays. C'est là que s'était tenue en octobre 2002 une manifestation géante contre «la guerre», après le putsch raté qui a conduit à la prise de contrôle du nord par une rébellion.

Des dizaines de milliers de fidèles de M. Ouattara s'étaient retrouvés dans le quartier populaire d'Abobo, l'un de ses fiefs dans une métropole dominée par son rival.

Sous une pluie battante, le candidat a salué la foule immense, l'exhortant à «aller voter massivement». «Gbagbo a chaud!», scandaient des jeunes en dansant.

«On veut pas (de) couvre-feu!» était un autre de leurs cris de ralliement.

Le président sortant a créé la surprise jeudi soir en annonçant cette mesure pour dimanche à partir de 22h00, heure locale ( 17h00, heure de Montréal), lors d'un débat télévisé inédit avec son rival.

Dans un entretien à la chaîne de télévision France 24 et la radio RFI, il a défendu une «mesure dissuasive pour quelques extrémistes».

Mais la coalition pro-Ouattara, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a annoncé qu'elle ne respecterait pas une décision «injustifiée» dans laquelle elle voit «la porte ouverte» aux «fraudes».

Le premier ministre Guillaume Soro a jugé qu'«il n'y a pas de raison de prendre forcément un décret» instaurant un couvre-feu. «Nous pouvons aller à une élection apaisée», a-t-il dit.

Mais de nouvelles échauffourées ont encore fait des blessés à Abidjan, au lendemain de la mort d'un partisan de M. Gbagbo dans son fief du centre-ouest.

Les heurts ont éclaté dans les quartiers populaires de Yopougon et Attécoubé, a affirmé à l'AFP une source militaire ivoirienne. Près d'une dizaine de personnes ont été blessées, a-t-elle rapporté.

Des incidents entre sympathisants des candidats sont aussi survenus dans d'autres quartiers, notamment Abobo, a indiqué une source policière, faisant état de blessés.

La semaine de campagne qui s'achevait vendredi soir a été marquée par une nette montée de la tension, illustrée aussi par le durcissement des discours des prétendants.

Médiateur dans la crise ivoirienne, le président burkinabè Blaise Compaoré devait rencontrer les protagonistes samedi à Abidjan pour contribuer à l'apaisement.

Lors d'un débat télévisé à l'atmosphère presque cordiale, les candidats se sont engagés à respecter le verdict des urnes de ce scrutin six fois repoussé depuis la fin du mandat de M. Gbagbo en 2005, et dont l'issue demeurait totalement incertaine.