Du retour de l'État à l'intégration des anciens combattants dans la future armée, le nord de la Côte d'Ivoire, tenu par l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) depuis le putsch manqué de 2002, s'impose comme l'un des grands défis du futur président.

Depuis la signature par leur chef Guillaume Soro de l'accord de paix de 2007 avec le président Laurent Gbagbo, l'ennemi d'hier, les FN sont engagées dans un processus prévoyant leur disparition à l'issue d'un scrutin destiné à mettre fin à huit ans de partition du pays.

Mais à quelques jours du vote de dimanche, l'entrée de leur fief de Bouaké (centre), toujours gardée par des combattants armés prélevant «un droit de passage» sur les visiteurs, rappelle que la réunification reste à accomplir.

L'intégration des ex-combattants FN dans la future armée ivoirienne, censée se réaliser dans la foulée de la présidentielle, est le premier de ces défis.

Malgré l'«encasernement» mené en août dernier - après des années d'attente - de ses quelque 3500 éléments promis à l'armée, les FN sont toujours maîtres des 60% du pays conquis en 2002.

Le retour des préfets en 2008 et le redéploiement de l'administration fiscale et douanière n'ont en effet pas profondément affecté un système en place depuis près d'une décennie.

Les commandants de zones FN, les fameux «com-zones» qui ont largement puisé dans les richesses du nord, continuent d'en être les hommes forts, ne laissant souvent aux préfets qu'un rôle de figurant.

«Les 'com-zones' vont négocier après (l'élection, ndlr), ils savent que c'est fini pour eux. Mais ça ne va pas se faire sans grincement», déclare à l'AFP un diplomate en poste à Abidjan.

«Certains vont partir à l'étranger, d'autres prendre leur retraite et d'autres encore pourraient faire de la politique» en se présentant aux législatives ou aux municipales, note une source militaire occidentale.

Pour l'heure, le cantonnement des éléments FN s'est accompagné d'un désarmement purement symbolique. Ils «attendent que le processus (de paix) aille à son terme pour rendre leurs armes», juge cette source.

Mais beaucoup craignent qu'une partie des anciens combattants, toujours armés, aillent plutôt grossir les rangs des «coupeurs de route», maintenant le nord dans une insécurité durable.

L'autre défi urgent pour le nouveau pouvoir sera l'unification des caisses de l'État, soit la disparition du système de collecte de taxes - «la Centrale» - instauré par les FN à partir de 2003.

En dépit d'un redéploiement des douanes depuis 2009, «la Centrale n'a pas plié bagage» et cohabite avec les douaniers aux postes frontaliers, affirme un cadre des douanes à Bouaké.

«Les opérateurs économiques disent qu'ils ne peuvent pas payer deux taxes à la fois. Beaucoup préfèrent payer à la Centrale», ajoute cette source sous couvert d'anonymat.

«Après la présidentielle, il appartiendra à l'État de gérer l'avenir des FN. Un président légitime aura tous les leviers pour consolider la paix et réunifier le pays», estime un haut responsable de l'ex-rébellion.

Quant à l'appareil des FN et à son chef devenu premier ministre en 2007, leur sort est suspendu à l'issue de l'élection.

Depuis des mois, les cadres du mouvement songent à transformer les FN en force politique, qui pourrait se compter dès les prochaines législatives.

Certains de ses amis voient déjà Guillaume Soro en député de sa ville natale de Ferkéssedougou (extrême nord). Au-delà, assure l'un d'eux, Soro a «2015 en ligne de mire»: la prochaine présidentielle.