À une soixantaine de kilomètres de Tombouctou, au nord-ouest du Mali, une dizaine de véhicules pickups s'alignent. À bord, des militaires, les armes à la main. Ce sont des soldats mauritaniens qui, dans le désert malien, mènent la traque des membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.

«Nous avons donné le feu vert à nos voisins mauritaniens pour qu'ils puissent venir sur notre territoire, combattre l'ennemi commun, Aqmi», explique à l'AFP un responsable local de l'armée malienne.

Le 17 septembre - au lendemain de l'enlèvement revendiqué par Aqmi de sept personnes dont cinq Français, au Niger - l'armée mauritanienne avait lancé une offensive contre l'unité d'Aqmi dirigée par l'Algérien Yahya Abou Hamame, dans la région de Tombouctou (900 km au nord-est de Bamako). Des combats meurtriers les avaient opposés pendant quelques jours.

Depuis, plusieurs dizaines de militaires mauritaniens ont pris leurs quartiers dans cette zone.

«Nous n'avons pas le droit de parler à la presse», lance l'un d'eux, arme au poing, au correspondant de l'AFP. Puis il donne l'ordre à ses éléments de poursuivre leur chemin. Et la colonne démarre lentement, en direction du grand nord.

Des mitrailleuses sont fixées sur plusieurs véhicules. En queue de convoi, un militaire casqué garde le doigt sur la gâchette, nerveux.

Les éléments d'Aqmi - dont le nombre est évalué à quelques centaines dans le Sahel - ont la réputation d'être des stratèges. «C'est pourquoi, nous et les Mauritaniens, nous sommes sur nos gardes», affirme un militaires malien.

Ils ont pu «poser des mines», dit-il. «C'est l'une de leurs techniques. Ils cachent même des mines sur les cadavres des ennemis tués pour que ceux qui viennent chercher les corps explosent».

D'après les recoupements de l'AFP, l'armée mauritanienne est présente sur au moins deux sites de la région. Les instructions données aux soldats sont fermes: interdiction de circuler seuls dans le désert. Ce sont des unités qui se déplacent.

L'objectif immédiat semble être d'occuper le terrain, pour éviter qu'Aqmi ne le fasse.

Parlant l'arabe, comme les habitants de la région, les militaires mauritaniens trouvent sur place des alliés.

Mais leurs moyens matériels sont limités. L'armée mauritanienne n'a pas réellement d'aviation. À Tombouctou, elle dispose cependant d'un petit avion d'entraînement militaire italien Marchetti (Aermacchi).

La nuit, sur l'aéroport, l'appareil couvert d'une bâche est gardé par quatre soldat maliens. Le jour, il sillonne parfois le ciel de la région pour tenter de localiser d'éventuels «terroristes».

L'appareil peut bouger si des «pays amis, telle la France», repèrent des éléments suspects, grâce à leurs satellites espions, selon une source militaire malienne.

Le 19 septembre, quand le petit avion Marchetti avait bombardé un véhicule censé transporter des «terroristes» - tuant une femme et une jeune fille -, les populations avaient vivement protesté. «Mais maintenant, ça va. Le président mauritanien (Mohamed Ould Abdel Aziz) a présenté des excuses pour les morts. Et les militaires mauritaniens font attention», assure Mohamed Oud Sidy, un habitant d'Essakane, ajoutant: «Ils sont chez eux, ici».

Un autre habitant assure que lorsqu'une femme est tombée gravement malade dans un hameau, c'est un véhicule militaire mauritanien qui l'a transportée vers un hôpital de Tombouctou.

«Nous, nous ne voulons pas être assimilés aux gens d'Aqmi. Il faut les chasser d'ici», affirme Moctar, coiffeur dans un hôtel de Tombouctou. «Nous soutenons les opérations mauritaniennes et le Mali doit aussi faire des opérations», renchérit Atti, jeune bijoutier.

Demandant à son gouvernement et à la communauté internationale d'aider le nord du Mali à vraiment se «débarrasser» d'Aqmi, il affirme: «Si on n'arrive pas à vaincre la pauvreté, Aqmi va gagner chaque jour du terrain parmi les jeunes qui n'ont pas de travail».