Le secrétaire-général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé mercredi Kigali à maintenir ses soldats dans les forces de paix au Soudan, regrettant la fuite d'un projet de rapport de son organisation qui accuse l'armée rwandaise de graves crimes en République démocratique du Congo.

À l'issue d'une visite impromptue de moins de 24h à Kigali, M. Ban a exhorté le président Paul Kagame à ne pas mettre à exécution sa menace de retirer les 3 550 soldats rwandais qui font un travail «exemplaire» au Soudan selon lui.

«Le président (Kagame) et moi-même sommes déçus par la fuite du projet de rapport» sur les crimes commis en RD Congo, a déclaré Ban Ki-moon à la presse, peu avant de quitter la capitale rwandaise.

Ce projet de rapport, dont l'AFP s'est procuré une copie, accuse l'armée rwandaise de possibles crimes de génocide commis pendant la première guerre en RDC (1996-1998) à l'encontre des Hutu rwandais réfugiés dans l'est de ce pays.

Selon ce rapport du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, «les attaques systématiques et généralisées -contre des Hutu réfugiés en RDC après le génocide de 1994 contre les Tutsi- révèlent plusieurs éléments accablants qui, s'ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide».

Le Rwanda a réagi à la publication de ce texte en menaçant de retirer ses contingents mis à disposition de la mission de paix ONU/Union africaine (Minuad) et de la Mission des Nations Unies au Soudan l'Unmis.

«Les forces rwandaises sont bien équipées, hautement disciplinées et respectées partout pour leur importante contribution à la paix et à la sécurité dans la région», a déclaré M. Ban. «J'exhorte le président Kagame à poursuivre une contribution aussi noble partout dans le monde, et en particulier alors que nous allons assister à un véritable referendum au Soudan en janvier prochain».

«Ce que nous avons dit, c'est que si ce rapport est publié comme nous l'avons vu dans les média, dans la version que nous avons vue et qui à notre sens n'est encore qu'un projet, alors cela suscitera sans aucun doute une action forte» de notre part, a cependant prévenu la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo.

«Je ne veux pas spéculer sur ce que sera la version finale du rapport des Nations Unies, tout ce qui m'importe est que le point de vue et les inquiétudes de mon gouvernement figurent dans n'importe quel rapport qui sortira», a-t-elle fait valoir devant la presse.

L'ONU a annoncé la semaine dernière reporter la publication du rapport au 1er octobre, afin de laisser le temps aux «États concernés» de faire des commentaires qui seront ajoutés au document.

«Nous sommes convenus de poursuivre le dialogue sur toutes ces questions quand le président Kagame se rendra à New York ce mois-ci», à l'occasion d'un sommet des Nations unies sur la lutte contre la maladie et la pauvreté, a indiqué M. Ban.

Plus d'un million de Hutu rwandais s'étaient réfugiés chez le voisin congolais par crainte de représailles après la prise de pouvoir au Rwanda en juillet 1994 de la guérilla du Front patriotique rwandais (FPR), à majorité tutsi, qui a mis un terme au génocide perpetré contre la minorité tutsi de ce pays.

Le nombre de victimes des exactions contre les Hutu en RD Congo s'élève à «probablement plusieurs dizaines de milliers» selon le projet de rapport.

Environ 800 000 personnes ont été tuées dans le génocide anti-Tutsi perpétré par le régime extrémiste hutu, jusque-là au pouvoir à Kigali.