Entre le 30 juillet et le 3 août derniers, plus de 500 femmes de l'est du Congo ont vécu l'horreur. Des rebelles armés ont envahi leurs villages et violé toutes celles qui avaient plus de 13 ans, et ce, sans que les Casques bleus de l'ONU, basés dans la région, ne viennent à leur rescousse. Un «échec» que regrette aujourd'hui la direction de l'organisation internationale.

Tout juste rentré d'une mission en République démocratique du Congo (RDC), le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les opérations de la paix, Atul Khare, a fait son mea-culpa mardi au nom des Nations unies. Selon lui, les actions «inadéquates» des Casques bleus ont eu pour résultat le déferlement de la violence contre la population civile.



«Bien que la responsabilité principale de la protection des civils incombe à l'État, à son armée nationale et à la police, clairement, nous avons aussi échoué», a témoigné M. Khare devant le Conseil de sécurité.

Envoyé pour enquêter sur 242 viols qui ont eu lieu à Luvungi, village situé à tout juste 30 km d'une base des Casques bleus, M. Khare a constaté une fois sur place qu'au moins 267 autres viols ont été perpétrés dans l'est du pays, ainsi que dans d'autres régions du nord et du Sud-Kivu. Dans le village de Miki, notamment, 21 fillettes de 7 à 15 ans et 6 hommes ont aussi été violés par les rebelles armés.

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Certaines des victimes, avec qui le représentant de l'ONU a pu s'entretenir, ont rapporté avoir été violées par des groupes de deux à six hommes. Plusieurs des agressions ont eu lieu sous les yeux de maris impuissants et d'enfants en pleurs.

Sourds aux appels

Coupés du monde, sans accès à un réseau de téléphone cellulaire, les villageois de l'est du Congo-Kinshasa peuvent difficilement entrer en contact avec les Casques bleus. Cependant, la Mission de l'ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a reçu un courriel le 30 juillet l'avertissant du début des violences, mais a mis dix jours avant de réagir.

Dans leur bilan, autant Atul Khare que Roger Meece, le chef de la MONUSCO, ont promis plus de patrouilles nocturnes dans les zones affectées ainsi que l'amélioration des communications entre les civils et les Casques bleus. Des tours cellulaires seront notamment installées.

Vers une justice

Les responsables des Nations unies ont aussi demandé aux autorités congolaises d'agir promptement pour traduire en justice ceux qui ont perpétré les viols ainsi que leurs supérieurs. En ce sens, M. Khare a demandé au Conseil de sécurité d'imposer des sanctions contre les chefs des Forces démocratiques de libération du Rwanda, un groupe de rebelles hutus rwandais qui sème la terreur au Congo-Kinshasa et à qui une partie des viols est attribuée. Des rebelles Mai Mai congolais auraient aussi pris part aux exactions. À ce jour, quelque 30 rebelles se sont rendus aux autorités ou ont été arrêtés en lien avec les récents viols.

À Human Rights Watch, hier, on espère que le mea-culpa de l'ONU se transformera en actions concrètes. «Les Nations unies doivent renforcer leur capacité de réaction rapide», notait hier Anneke Van Woudenberg, une chercheuse de l'organisation internationale de défense des droits de l'homme qui a écrit des rapports sur l'utilisation du viol comme arme de guerre en RDC.

«Selon les statistiques, à l'est du Congo, il n'y a pas d'amélioration. L'année 2009 a été une des pires pour les viols», note-t-elle. En neuf mois, près de 9500 viols ont été rapportés. «Il y a un climat d'impunité», croit-elle.

Selon Thierry Vircoulon, directeur de la section africaine du International Crisis Group, des ressources minières dans l'est du Congo seraient à la base du nouveau déferlement de violence. «C'est une zone minière agitée en ce moment. Il y a des rivalités locales pour le contrôle des minerais», explique l'expert.

Selon lui, les événements de cet été démontrent qu'il est trop tôt pour procéder au retrait des Casques bleus, ainsi que le souhaite le gouvernement congolais. «Ces incidents démontrent que l'armée congolaise n'est pas capable de protéger la population civile», note M. Vircoulon.

La République démocratique du Congo est le théâtre de violences depuis la fin du génocide au Rwanda en 1994. La guerre civile de 1998-2003 et la crise humanitaire qui l'a suivie ont fait près de 5,4 millions de morts.