Le président soudanais Omar el-Béchir, sous le coup de deux mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) notamment pour génocide au Darfour, assistait vendredi à Nairobi à la cérémonie de promulgation de la nouvelle constitution kenyane, a constaté l'AFP.

Alors que le Kenya a ratifié le statut de Rome, traité fondateur de la CPI, s'engageant à coopérer avec elle, le président soudanais dont le nom ne figurait pas sur la liste officielle des chefs d'État attendus à la cérémonie de promulgation, a été accompagné sur les lieux par le ministre kényan du Tourisme Najib Balala.

Omar el-Béchir est apparu souriant et détendu, alors qu'il serrait les mains de plusieurs dirigeants africains présents, a rapporté un journaliste de l'AFP.

Avant l'arrivée du chef de l'État soudanais, des militants de l'ONG de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW), dont le siège est à New York, avaient appelé les autorités kényanes à «l'arrêter ou à l'empêcher d'entrer» dans le pays. Pour HRW, la ratification par le Kenya du statut de Rome lui «fait obligation de coopérer avec la CPI et donc d'exécuter les mandats d'arrêt».

«Le Kenya va définitivement ternir les célébrations en l'honneur de sa constitution, attendue depuis si longtemps, s'il accueille un fugitif international à ces festivités», a déclaré dans un communiqué Elise Keppler, responsable à HRW du secteur de la justice internationale.

Après l'émission le 4 mars 2009 d'un premier mandat d'arrêt contre M. Béchir pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis sept ans (300 000 morts selon l'ONU, 10 000 d'après Khartoum), la CPI a ordonné le 12 juillet dernier qu'un second mandat d'arrêt, pour génocide, soit délivré à l'encontre du président soudanais. Celui-ci s'est depuis rendu au Tchad et en Libye.

Il s'agissait du premier mandat d'arrêt pour génocide de la CPI depuis son entrée en fonction en 2003.

Au cours d'un referendum le 5 août, les Kényans avaient approuvé à une très large majorité le projet de nouvelle Constitution censée renforcer la démocratie dans les institutions et engager une réforme foncière cruciale, tournant symboliquement la page des violences postélectorales de 2007-2008 qui avaient fait près de 1500 morts.

La nouvelle loi fondamentale du pays, qui est officiellement promulguée vendredi, avait été approuvée avec 67,25% des voix lors du référendum.

Le Kenya s'était engagé en mai devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève à «coopérer pleinement» avec la CPI sur les violences postélectorales en 2007 sur son territoire et à assurer la protection des témoins.

Pour HRW, «accueillir el-Béchir remettrait en question l'engagement du Kenya à coopérer avec la CPI dans son enquête au Kenya», a affirmé l'ONG qui s'exprimait avant l'annonce de l'arrivée du chef de l'État soudanais dans la capitale kényane.

La CPI alerte le Conseil de sécurité

Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) «informent» le Conseil de sécurité de l'ONU de la présence au Kenya du président soudanais Omar el-Béchir, sous le coup de deux mandats d'arrêt, afin que «toute mesure jugée opportune» soit prise, dans une décision publiée vendredi.

Les juges «informent le Conseil de sécurité des Nations unies et l'Assemblée des États parties au Statut de Rome de la présence d'Omar el-Béchir sur le territoire de la République du Kenya afin que ceux-ci prennent toute mesure jugée opportune», dans une décision dont l'AFP a obtenu une copie.

Le Kenya justifie la présence du président soudanais

Le Kenya a justifié l'invitation faite au président soudanais Omar el-Béchir «en tant que voisin» à venir à Nairobi vendredi, bien qu'il soit poursuivi pour génocide au Darfour par la Cour pénale internationale.

«Le président Béchir est ici parce que nous avons invité tous nos voisins et que c'est un voisin», a déclaré à la presse le ministre kényan des Affaires Moses Wetangula.

Les présidents du Rwanda, d'Ouganda et des Comores ont également assisté à la cérémonie de promulgation de la nouvelle Constitution du Kénya, adoptée par référendum le 4 août dernier.