Des paysans vêtus de tuniques empoussiérées, des écouteurs vissés sur leurs foulards, hypnotisés par le son cosmique de leur détecteur de métal, ratissent un désert rocailleux, lunaire, à la recherche d'or, graal d'une ruée sans précédent dans le nord du Soudan.

Sur la route entre Atbara et Abou Hamed, à environ 500 kilomètres au nord de Khartoum, des milliers d'orpailleurs aux allures de «bédouins de l'espace», sondent le sol avec des détecteurs de métal ressemblant à des poêles à frire.

«Moi j'étais commerçant et j'ai tout plaqué il y a quatre mois pour l'or», clame Mukhtar Yussif. «Je cueille l'or depuis quatre mois seulement, et j'ai déjà payé ces deux voitures (usagées) "cash"», dit-il, entouré de proches qui l'ont suivi dans cette odyssée en quête du précieux métal jaune.

La hausse des cours de l'or ces deux dernières années, doublée de l'introduction massive de détecteurs de métaux au Soudan, ont poussé des milliers de Soudanais vers le désert nubien du Nord du pays, dans une région au fort potentiel aurifère.

«Il y a au moins 200 000 personnes travaillant dans cette nouvelle activité au Soudan. C'est la ruée de l'or comme aux États-Unis au 19e siècle», explique à l'AFP Abdel Baqi al-Jaylani, ministre soudanais des Mines.

Des petits groupes d'orpailleurs artisanaux équipés de tentes, de barils d'eau, de nourriture pour tenir au moins deux semaines, arpentent en 4x4 le désert du nord-est du Soudan, afin de tirer profit de la flambée des cours de l'or.

De la boîte à gants de son pick-up, Mukhtar sort une pépite d'environ dix grammes, alors que ses acolytes ratissent le désert de leur «poêle à frire». Le détecteur de métal crépite, son ami Hatim déterre un grain d'or. «Ca doit faire un gramme», se félicite-t-il.

Les orpailleurs obtiennent actuellement 90 livres soudanaises (35 dollars) le gramme, l'équivalent d'une semaine de travail pour les gagne-petit, mais trois fois rien pour ces nouveaux entrepreneurs qui ne lésinent pas sur les moyens, un détecteur de métal dernier cri coûtant 6.000 dollars au bas mot.

D'autres vont jusqu'à louer des pelles mécaniques pour creuser le sol ou s'associent à des propriétaires de tracteurs agricoles afin de labourer le désert, balafré par cette folle ruée vers l'or.

Sur le bord d'une route éloignée, un tracteur retourne le couvert de roches volcaniques pour laisser apparaître une terre rouge, presque martienne, aussitôt sondée par une demi-douzaine de nouveaux orpailleurs. «Si l'on trouve de l'or où le tracteur est passé, on partagera la récolte avec le conducteur», explique Nour al-Hadi, un chercheur d'or.

Si des petits entrepreneurs locaux investissent dans des équipements importants pour arracher l'or du désert, d'autres optent pour des techniques moins onéreuses, mais ô combien plus laborieuses.

À Al-Abidiya, un village éloigné près du Nil, un souk étrange est sorti de terre cette année, accueillant des milliers de jeunes hommes pétris du mythe de la pépite. Le minerai est importé du désert, puis concassé par des broyeurs alimentés par des génératrices déglinguées.

Les pieds nus dans des bacs d'eau acheminés du Nil, les orpailleurs retournent la poudre fine mélangée à du mercure afin d'isoler le métal jaune. «Mon frère et moi sommes venus de la Gezira (région agricole au sud de Khartoum) afin de tenter notre chance dans l'or», souffle Ibrahim, 16 ans.

La ruée vers l'or agace toutefois les quelques entreprises minières qui se plaignent de la présence croissante des orpailleurs sur leur concession.

«Nous ne pouvons arrêter les orpailleurs, mais nous allons les réguler», rétorque le ministre Jaylani, reconnaissant les conditions difficiles des travailleurs et les problèmes potentiels de pollution du Nil liés à l'utilisation du mercure.