Attachez vos ceintures, serrez les dents et gardez espoir: ce pourrait être la devise des voyageurs habitués des lignes aériennes en Afrique, confrontés au cauchemar des retards, escales surprises et autres correspondances multiples qui brident le commerce et le tourisme.

Glenna Gordon, photographe indépendante au Liberia, a eu sa part de mésaventures dans le ciel africain. Voulant rejoindre Monrovia depuis le Cameroun (2080 km), elle a fait une «escale surprise» à Libreville, une autre à Mombasa, au Kenya, traversant ainsi le continent «d'un océan à un autre».

Trente heures de voyage! «Ce serait plus rapide à bord d'une pirogue par le golfe de Guinée», ironise-t-elle.

Vingt ans après la signature de l'accord de Yamoussoukro, censé ouvrir le ciel africain à la concurrence, voyager sur le continent reste une épreuve.

«L'objectif (de cet accord) était de libéraliser les services aériens mais peu de progrès ont été faits», indique le directeur des communications de l'Association internationale du transport aérien (IATA), Anthony Concil.

Les compagnies locales sont handicapées par des restrictions complexes imposées par les États africains qui restent souvent propriétaires des compagnies: si participation étrangère il y a, elle est limitée à 49%, sans possibilité de contrôler la gestion.

«Très souvent, les gouvernements ne facilitent pas les choses. L'industrie (aérienne) ne peut pas fonctionner normalement comme une autre à cause de leur interventionnisme», affirme M. Concil. «La corruption est également un problème dans beaucoup d'endroits du continent», ajoute-t-il.

«Ce n'est pas facile de voyager en Afrique, ça c'est sûr», admet Tim Clark, président d'Emirates, une des compagnies internationales qui s'étendent sur le continent. Elle va lancer en septembre la première liaison directe entre l'Afrique de l'ouest et l'Asie, via Dubaï, à partir de Dakar.

L'héritage colonial contribue en outre à la domination de l'Afrique par les compagnies étrangères. «Si vous voulez aller d'Accra au Ghana, à Douala au Cameroun, soit 900 km, vous devez aller jusqu'à Paris. C'est beaucoup de temps perdu», ajoute Tim Clark.

«Une bonne compagnie, avec plusieurs destinations, a un impact sur le commerce et le tourisme et la libre circulation des personnes», souligne Ibrahima Cheikh Diongue, président du conseil d'administration de Senegal Airlines, compagnie nationale sénégalaise dont le début des vols est attendu cette année, en partenariat avec Emirates.

Mais, en l'absence de politique gouvernementale pour développer l'aviation comme une composante essentielle des infrastructures, «le continent paie le prix par de l'activité économique perdue et un coût des affaires élevé», selon M. Concil de l'IATA.

L'industrie aérienne africaine a perdu 100 millions de dollars en 2008 et en 2009 à cause de la crise financière internationale.

Elle s'attend cependant cette année à un gain équivalent en raison d'une forte croissance du trafic aérien (fret et passagers) lié à l'accroissement des exportations de matières premières, selon l'IATA.

«On s'attend à 13,5% cette année, une croissance exceptionnelle, en comparaison avec l'année 2009 extrêmement faible (- 5,4%)», indique l'IATA.

Le besoin de circuits aériens mieux organisés est une nécessité, mais la priorité demeure la sécurité sur un continent considéré le plus dangereux au monde, avec un nombre d'accidents d'avions quatorze fois supérieur à la moyenne mondiale.