Le président rwandais Paul Kagame, au pouvoir depuis qu'il a mis fin au génocide en 1994 et réélu triomphalement mercredi pour sept ans à la tête de son pays, est vu par ses admirateurs comme un visionnaire, mais par ses détracteurs comme un despote.

Tous ceux qui ont fréquenté l'homme fort du «nouveau Rwanda» le décrivent comme une personnalité hors du commun.

Mais le gouffre surprend toujours entre ses critiques qui dénoncent inlassablement sa volonté de museler la presse comme l'opposition, et ses thuriféraires, souvent économistes et experts internationaux, qui louent sa «vision du développement pour le pays et ses nombreuses réalisations.

Celui que ses collaborateurs appellent habituellement «the boss», au franc-parler parfois bien peu diplomatique, est décrit par l'écrivain Philip Gourevitch, auteur d'un livre de référence sur le Rwanda, comme un «autoritaire qui s'assume».

Difficile de percer ce longiligne et austère père de quatre enfants, 52 ans, avare de toute confession sur sa vie privée, dont on sait qu'il joue au tennis et aime le football.

Comme de nombreux guérilleros de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), la personnalité de Kagame s'est forgée pendant son exil en Ouganda, où sa famille tutsi a fui pour échapper aux pogroms alors qu'il avait trois ans.

Certes à l'abri des massacres, les réfugiés y subissent discriminations et persécutions, qui nourrissent le mythe d'un retour dans la mère patrie.

Après avoir fait ses armes au sein de la rébellion ougandaise du futur président Yoweri Museveni, Paul Kagame lance le FPR depuis l'Ouganda avec d'autres exilés tutsi rwandais.

Kagame n'a que 36 ans en 1994 quand, à la tête du FPR, il chasse les extrémistes Hutu du Rwanda, met fin au génocide et prend le pouvoir.

Chef de guerre redouté, il est sans doute le seul dirigeant à avoir suivi une formation militaire à la fois aux USÀ et à Cuba.

Vice-président et ministre de la Défense après 1994, il tient de facto les rênes d'un pays en ruine et à reconstruire de zéro.

Elu avec 95% des voix à la première élection présidentielle post-génocide de 2003, Paul Kagame continue de mettre en oeuvre, avec le soutien international, un programme volontariste de développement économique, axé sur les services, les nouvelles technologies et la modernisation de l'agriculture.

Réélu triomphalement mercredi avec 93% des votes, il a promis de poursuivre cette politique.

«Il est un homme qui construit», explique un ancien conseiller.

Il a compris que «la pauvreté est due à l'exclusion des réseaux internationaux du commerce, de l'investissement et du savoir-faire», juge Michael Fairbanks, un de ses collaborateurs américains, membre d'un cercle très privé d'universitaires et experts internationaux qui le conseillent dans sa stratégie de développement.

Selon lui, le chef de l'État, qui compte comme amis Bill Clinton et Tony Blair, «est convaincu que la pauvreté (...) détruit la confiance, la tolérance, l'espoir et les aspirations à une vie meilleure».

«Kagame laisse au Rwanda moins d'espace politique et de liberté de la presse que (Robert) Mugabe au Zimbabwe», accusait pourtant récemment The Economist.

«Prédateur de la liberté de la presse», «dictateur» ou «criminel», les qualificatifs ne manquent pas pour fustiger cet homme à la poigne de fer qui balaie d'un revers de main ces critiques «venues de l'étranger».

L'universitaire français Gérard Prunier souligne son «intelligence et son impitoyable détermination».

Mais la deuxième guerre congolaise de 1998-2003 a été un tournant, explique-t-il: «avant 1998, Kagame pouvait compter sur la sympathie illimitée de la communauté internationale, qui se sentait coupable de son inaction pendant le génocide».

«Son crédit moral a été sérieusement entamé par les horreurs commises en RDC».