L'ancien chef de la police sud-africaine et ex-président d'Interpol Jackie Selebi a été condamné mardi à 15 ans de prison pour corruption, une décision saluée comme «un message fort» en faveur de la lutte contre ce fléau.

«Je me satisfais d'une peine de 15 ans de prison», a déclaré le juge Meyer Joffe, pour qui «l'accusé semble être le plus haut responsable à avoir été reconnu coupable de corruption en Afrique du Sud».

L'avocat de la défense a immédiatement annoncé son intention d'interjeter appel et le juge a accepté de laisser M. Selebi en liberté provisoire contre le versement d'une caution de 20 000 rands (environ 2708 dollars canadiens).

L'ancien numéro un de la police de 2000 à 2008 a refusé de parler aux journalistes après l'audience mais il a été vu en train de rire avant de quitter le tribunal.

Il avait été reconnu coupable le 2 juillet de corruption pour avoir accepté de l'argent et des cadeaux de Glen Agliotti, un homme d'affaires véreux condamné pour trafic de drogue en 2007 et actuellement jugé pour meurtre.

Ce dernier a assuré avoir versé plus d'un million de rands (environ 135 400 dollars canadiens) au chef de la police, sous forme de paiements ou de petits cadeaux, dont des chaussures Louis Vuitton ou un sac à main Gucci pour son épouse.

Durant les 40 minutes de lecture du jugement sur la peine, le juge Meyer Joffe a été particulièrement sévère à l'encontre de Jackie Selebi, le qualifiant de «honte» pour la nation, le gouvernement et les policiers.

«À aucun moment durant le procès l'accusé n'a fait preuve de remords (...) L'accusé a menti et fabriqué des preuves», a tancé le magistrat, en mettant en garde contre les dangers de la corruption qui, selon lui, «menace l'ordre constitutionnel» en Afrique du Sud.

«La corruption par des membres de la police ne peut en aucun cas être tolérée, a-t-il asséné. Cela va à l'encontre des principes de la police».

Analystes, opposition et ministère public, qui avait requis la veille 15 ans de prison, se sont réjouis de cette peine exemplaire.

Cette condamnation «montre que les services du procureur général et les tribunaux sont déterminés à s'attaquer aux racines de la corruption», a estimé le porte-parole des services du procureur (NPA) Mthunzi Mhaga.

Le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), s'est également félicité de cette «condamnation rare» d'un proche du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC).

Johan Burger, de l'Institut d'études de sécurité, a cependant émis des inquiétudes sur la poursuite de la lutte contre la corruption après la dissolution de l'unité d'élite indépendante des Scorpions, qui a mené l'enquête contre Jackie Selebi.

La condamnation de l'ancien policier clôt une saga ouverte en 2006, qui avait éclaboussé l'État au plus haut niveau en raison d'interventions présumées de l'ancien président Thabo Mbeki (1999-2008).

Le premier mandat d'arrêt contre cet ancien militant anti-apartheid, émis en octobre 2007, avait été bloqué par la suspension de son auteur, le chef du Parquet Vusi Pikoli.

Son successeur avait poursuivi l'enquête et inculpé Selebi en février 2008. L'accusé avait alors démissionné de la présidence de l'organisation internationale de police criminelle Interpol, qu'il occupait depuis 2004.

En revanche, il avait conservé son statut et son salaire de chef de la police, ayant seulement été placé en congé par Thabo Mbeki. Seule l'arrivée de Jacob Zuma à la tête de l'État a mis fin à son contrat, un an et demi plus tard.