Une humanitaire américaine détenue au Darfour depuis plus de deux mois par des hommes armés exigeant une rançon a fait état lors d'un contact établi lundi avec l'AFP des difficultés de sa détention, qu'elle qualifie de «cauchemar».

«Au début j'étais bien traitée, mais plus maintenant, ma vie et ma santé sont désormais menacées», a déclaré en anglais la jeune femme de l'organisation évangélique Samaritan's Purse, enlevée à la mi-mai à d'Abou Ajoura, au Darfour-Sud, en compagnie de deux humanitaires soudanais qui ont depuis été relâchés.

«Je n'ai pas d'eau potable, la situation a tourné au cauchemar tout d'un coup. Il y a 20 hommes actuellement autour de moi», a ajouté l'humanitaire dont l'identité a été confirmée auprès de l'AFP par des responsables de l'ONG Samaritan's Purse.

Ces derniers ont toutefois demandé à ce que le nom de l'otage -qui n'a jamais été révélé- ne soit pas publié. «J'espère seulement être relâchée, je veux rentrer à la maison», a ajouté l'Américaine.

Il s'agit de la première fois qu'une femme occidentale est détenue seule au Darfour. Ses ravisseurs ont exigé le versement d'une importante somme d'argent en échange de sa libération.

«Nous avons eu des discussions avec le gouvernement soudanais, mais rien n'a abouti. Cela fait près de trois mois que nous la détenons maintenant», a déclaré à l'AFP un des ravisseurs disant se nommer Abou Mohammed al-Rizeigui, joint sur son téléphone satellitaire.

Ce nom a été utilisé plusieurs fois par des groupes armés ayant commis des rapts au Darfour, notamment en avril 2009 contre deux humanitaires de l'organisation française Aide Médicale internationale (AMI) et en octobre 2009 en Centrafrique, près de la frontière soudanaise, de deux employés de l'organisation française Triangle GH.

Le Darfour est le théâtre depuis 2003 d'une guerre civile complexe à l'origine de 300.000 morts selon les estimations de l'ONU -10.000 d'après Khartoum- et 2,7 millions de déplacés. Cette vaste région de l'ouest du Soudan est aussi en proie depuis mars 2009 à une vague d'enlèvements d'expatriés.

Depuis, 17 étrangers, dont dix Occidentaux, y ont été enlevés. Ils ont tous été libérés en bonne santé physique sauf deux employés de l'organisation allemande THW, enlevés fin juin dans leurs bureaux de Nyala, la métropole du Darfour, et l'Américaine de Samaritan's Purse.

Cette organisation, impliquée dans des projets d'accès à l'eau potable et d'aide aux petits agriculteurs du Darfour, est présidée par l'influent évangéliste américain Franklin Graham.

Dans une chronique publiée dans le New York Times en mars 2009, peu avant l'émission du premier mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar el-Béchir, M. Graham avait dit craindre que l'arrestation du «raïs» ne compromette l'accord de paix ayant mis fin en 2005 à deux décennies de guerre civile entre le Nord et le Sud du Soudan.

En visite lundi à Khartoum, le ministre britannique pour l'Afrique, Henry Bellingham, a pour sa part appelé le gouvernement soudanais à agir.

«Si la communauté internationale voit que le gouvernement soudanais prend au très au sérieux ces affaires (les enlèvements), je pense que cela améliorera grandement (sa) position aux yeux de la communauté internationale», a-t-il dit.

La vague d'enlèvements au Darfour est attribuée par plusieurs observateurs à des membres de tribus arabes ayant par le passé combattu auprès des forces soudanaises contre la rébellion du Darfour. Les autorités soudanaises ont toujours qualifié de «bandits» les auteurs de ces rapts.