Le thème officiel du sommet africain de Kampala, la mortalité maternelle et infantile, est écrasé par l'actualité, de la Somalie au Soudan, au désespoir des organisations humanitaires qui soulignent qu'on meurt beaucoup plus faute de soins que par balles en Afrique.

«Les attentats du 11 juillet qui ont tué 76 personnes à Kampala (...) ont bien sûr fait des questions de sécurité une priorité dans l'ordre du jour de l'Union africaine», relève Chikezie Anyanwu, responsable de l'organisation Save The Children pour l'Afrique.

«Mais les chefs d'État ne doivent pas oublier les autres victimes africaines de ces deux dernières semaines: les 170 000 enfants et les 10 000 mères dont la mort aurait pu être évitée», poursuit ce responsable.

Les organisations humanitaires (ONG et Nations unies) se sont d'abord réjoui de voir l'Union africaine choisir comme thème officiel un des plus graves dossiers de santé publique du continent, mais également un des plus ignorés du grand public, voire des pouvoirs publics.

Elles ont quelque peu déchanté en voyant que les attentats de Kampala revendiqués par les islamistes somaliens focalisaient l'intérêt depuis l'ouverture du sommet dimanche, quand il ne s'agit pas de la nouvelle inculpation du président soudanais Omar el-Béchir pour génocide.

Si les chefs d'État de l'UA ont consacré un après-midi de débats à la santé maternelle et infantile dimanche, ils n'ont guère été suivis par les journalistes, que les attachés de presse des ONG tentent, parfois désespérément, de sensibiliser.

«Un journaliste m'a dit que j'attirerais plus l'attention si je mettais la Somalie en tête de mon communiqué de presse», témoigne Tanya Weinberg, chef de la communication de Save The Children venue de Washington pour le sommet. «J'attends le jour où la mort de millions d'enfants fera une bonne Une de presse», ajoute-t-elle avec amertume.

Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, rompu pour sa part à attirer caméras et micros à chaque sommet de l'UA, n'a pas manqué d'ironiser sur le thème de la réunion.

«Maternité et enfance? Nous ne sommes pas l'Unicef! (Fonds des Nations unies pour l'enfance) Cela relève des prérogatives de l'Unicef», a déclaré, moqueur, M. Kadhafi jeudi, jamais en retard d'une pique contre l'UA.

La moitié des décès de mères et d'enfants dans le monde survient en Afrique, qui ne représente pourtant que 12% de la population mondiale. L'immense majorité de ces décès -4,5 millions d'enfants et 265 000 mères chaque année- serait évitée avec un minimum de soins médicaux lors de l'accouchement et dans les mois suivants.

Mais quand les dirigeants de la planète se retrouveront en septembre à New York pour faire le point des avancées dans l'ambitieux projet de réduction globale de la pauvreté d'ici 2015 (les «objectifs du Millénaire pour le  développement»), ils ne pourront que constater à quel point la santé maternelle et infantile est à la traîne des autres objectifs.

Seuls quatre des 53 pays africains peuvent encore atteindre l'objectif de réduire de deux tiers la mortalité infantile en 2015 par rapport aux années 90. Aucun, sans doute, n'arrivera à réduire comme promis de trois-quarts la mortalité maternelle à cette date, relèvent les organisations non gouvernementales.

Trois pays africains seulement -le Rwanda, la Tanzanie et le Liberia- consacraient en 2010 au moins 15% de leur budget à la santé, un autre objectif du Millénaire, soit trois États de moins que l'année précédente, selon l'Organisation mondiale de la santé.

Les pays africains dépensent en moyenne de 25 à 27 dollars pour la santé de chacun de leurs habitants, contre 1252 en Europe et 1350 aux États-Unis, selon l'institut Africa public health information service.