Le Tchad a privilégié le rapprochement avec son voisin, le Soudan, en refusant d'exécuter deux mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar el-Béchir, qui a achevé vendredi après-midi une visite de trois jours à N'Djamena.

Les deux pays ont amorcé en janvier un réchauffement matérialisé notamment par un accord de «normalisation» de leurs relations après cinq ans de guerre par rébellions interposées. Ils ont aussi déployé depuis six mois une force mixte de 3000 hommes pour sécuriser leurs frontières.

Jeudi soir, le président tchadien Idriss Deby Itno s'est fait l'avocat du Soudan lors du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad), qui s'est achevé vendredi soir.

Il a plaidé pour un soutien au processus de Doha (Qatar) où se déroulent des négociations pour ramener la paix au Darfour, région de l'ouest du Soudan -frontalière du Tchad- en proie depuis sept ans à une guerre civile (300.000 morts selon l'ONU, 10 000 d'après Khartoum).

«Nous devons apporter notre soutien au processus de Doha. (...) Je lance un appel à toutes les parties pour qu'elles (y) adhèrent en vue d'une solution de paix juste et durable», a dit le président Tchadien.

Ces pourparlers entre gouvernement et groupes rebelles soudanais sont parrainés par le Qatar, l'Union africaine (UA) et l'ONU. Ils ont permis jeudi la signature d'un accord de cessez-le-feu entre Khartoum et le Mouvement pour la libération et la Justice (MLJ, alliance rebelle minoritaire), selon le médiateur qatari Ahmed Al-Mahmoud.

La veille, le gouvernement tchadien avait rejeté les appels à l'arrestation du président Béchir à N'Djamena, en vertu de deux mandats d'arrêt pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide au Darfour. Ces mandats ont été émis par la CPI, dont le Tchad a ratifié le traité fondateur (Statut de Rome).

«Ce n'est pas au Tchad qu'el-Béchir sera arrêté», avait martelé le ministre tchadien de l'Intérieur, Ahmat Mahamat Bachir. N'Djamena avait expliqué s'aligner sur la position de l'UA, qui a décidé de ne pas coopérer avec la CPI sur le dossier Béchir.

La Cen-Sad a adopté la même ligne évitant de mettre à mal l'axe N'Djamena-Khartoum. Dans le communiqué final du sommet vendredi, la Communauté de la Cen-Sad «a exprimé sa désapprobation par rapport aux deux arrêts inopportuns rendus de la CPI à l'encontre de la Haute autorité soudanaise» et «fait siennes les positions de la Ligue des États arabes, de l'organisation de la Conférence islamique et de l'Union africaine rejetant ces procédures judiciaires de la CPI».

Les États-Unis ont, eux, ouvertement salué jeudi le réchauffement entre le Tchad et le Soudan, considérant qu'il était en faveur de la paix au Darfour, tout en rappelant au Tchad «ses responsabilités» envers la CPI.

Sa visite a suscité une vive polémique, marquée par les protestations notamment d'ONG locales et internationales mais également de l'Union européenne (UE) qui a invité jeudi N'Djamena «à respecter ses obligations» envers la CPI et à arrêter M. Béchir.

Selon un projet de déclaration obtenu vendredi par l'AFP à Bruxelles, l'UE compte exprimer son «soutien» à la CPI et appeler le Soudan à «coopérer pleinement» avec cette juridiction. Le texte, déjà adopté au niveau des ambassadeurs, devait être validé lors d'une réunion ministérielle lundi.

Pour le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, la liberté dont continue de jouir M. Béchir est un sursis: «C'est juste question de temps, il devra tôt ou tard se rendre à La Haye et affronter la justice».