Les États sahélo-sahariens, Tchad compris, ont soutenu jeudi à N'Djamena le président soudanais Omar el-Béchir, rejetant les multiples appels à son arrestation et «toutes les accusations» de la Cour pénale internationale (CPI) qui le recherche pour crimes et génocide.

La Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad), réunie jusqu'à vendredi en sommet dans la capitale tchadienne, s'est dite toujours préoccupée par la situation au Darfour (ouest du Soudan), en proie depuis 2003 à la guerre civile et théâtre des crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide attribués à M. Béchir par la CPI. Cette cour émis contre lui deux mandats d'arrêt.

«La Cen-Sad réfute toutes les accusations contre le président el-Béchir. Ces accusations ne contribuent pas rétablir la paix dans cette partie du Soudan. Nous déclarons notre total soutien et notre solidarité au Soudan et à son peuple», a affirmé son secrétaire général, Mohamed al-Madani al-Azhari.

En sept ans, le conflit au Darfour a fait 300 000 morts selon les estimations de l'ONU, 10 000 d'après Khartoum.

Avant le responsable de la Cen-Sad, le président tchadien Idriss Deby Itno s'était fait l'avocat du Soudan, avec lequel son pays est engagé depuis janvier dans un processus de «normalisation» après cinq ans de guerres par rébellions interposées.

M. Deby a plaidé en faveur d'un soutien au processus de Doha, négociations pour la paix Darfour en cours depuis plusieurs mois dans la capitale qatarie et parrainées par le Qatar, l'Union africaine (UA) et l'ONU, demandant l'implication de tous pour «une solution de paix juste et durable».

Dans le même temps, à Doha, le médiateur qatari, Ahmed Al-Mahmoud, a annoncé la signature d'un accord de cessez-le feu entre Khartoum et le Mouvement pour la libération et la Justice (MLJ), alliance rebelle minoritaire du Darfour.

Ces soutiens affichés et accord interviennent alors que les appels se sont multipliés en faveur de l'arrestation de M. Béchir pendant son séjour au Tchad, premier pays reconnaissant la CPI qu'il visite depuis 2009.

Sans force de police, la CPI compte sur les États ayant ratifié son acte fondateur, le Statut de Rome, qui leur fait obligation d'interpeller tout suspect de la CPI sur leur sol.

Le Tchad avait cependant exclu depuis mercredi l'arrestation de M. Béchir sur son sol, se proclamant indépendant «des injonctions des organisations internationales». Il avait indiqué suivre la position de l'UA, qui a décidé de ne pas coopérer avec la CPI sur le dossier Béchir.

Pour l'analyste tchadien Mbaïré Dessingar, cette décision relève «de la realpolitik. Le Tchad tient d'abord compte de ses intérêts».

Malgré ce refus, la Haute représentante de l'Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, a invité jeudi le gouvernement tchadien «à respecter ses obligations dans le cadre du droit international» et «à arrêter (...) ceux qui sont inculpés par la CPI».

Des demandes similaires avaient déjà été formulées par des ONG, opposants tchadiens, et par les ONG internationales Human Rights Watch (HRW) et Amnistie Internationale.

Les États-Unis, qui avaient aussi rappelé mercredi au Tchad ses «obligations» envers la CPI, ont, à la surprise des observateurs, salué jeudi le rapprochement entre Khartoum et N'Djamena.

Ce réchauffement politique «aura un impact positif sur le terrain, y compris au Darfour. (...) Si cette coopération se poursuit, elle sauvera des vies au Soudan, au Darfour», a déclaré le porte-parole du département d'État, Philip Crowley, assurant toutefois avoir rappelé au Tchad «ses responsabilités» envers la CPI.

«Le président Béchir ne devrait pas être fier. Il demeure un suspect en fuite. (...) C'est juste une question de temps, il devra tôt ou tard se rendre à La Haye et affronter la justice», a averti jeudi le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo.