Arc-boutée sur un traité qui lui réserve la part du lion dans l'utilisation des eaux du Nil, l'Égypte entend ne pas céder une goutte de ses «droits historiques» aux pays d'Afrique de l'est qui réclament un nouvel accord.

Fort de son alliance avec le Soudan -autre grand bénéficiaire des accords actuels- Le Caire ne cesse de réaffirmer que l'usage de ce fleuve qui fournit plus de 90% des besoins en eau du pays relève de ses «intérêts vitaux».

Après des années de vaines négociations, sept pays africains de l'amont du fleuve -Éthiopie, Tanzanie, Ouganda, Kenya, RDCongo, Rwanda, Burundi- doivent se retrouver vendredi à Entebbe, en Ouganda, pour la signature d'un accord qui leur soit plus favorable.

Le contentieux témoigne des enjeux cruciaux en matière d'agriculture et de développement, voire de simple survie aux yeux des Egyptiens, que représente le plus long fleuve d'Afrique.

Le traité actuel a été conclu en 1929 entre l'Égypte et la Grande-Bretagne coloniale, puis revu en 1959. Il accorde aux Égyptiens un quota de 55,5 milliards de m3 et de 18,5 mds aux Soudanais, soit au total 87% du débit du fleuve calculé à la hauteur d'Assouan, en Haute-Égypte.

Le Caire dispose en outre d'un droit de veto sur les travaux en amont susceptibles d'affecter le débit du fleuve, comme des barrages, des stations de pompage ou des installations industrielles pour l'irrigation.

Avec une population de 80 millions d'habitants -la plus importante du monde arabe- en forte croissance, les besoins en eau de l'Égypte dépasseront en 2017 ses ressources hydrauliques, selon des statistiques officielles.

Une réunion de négociation le mois dernier dans la station égyptienne de Charm el-Cheikh s'est soldée par un constat de désaccord entre l'Égypte et le Soudan d'une part, les sept autres pays africains de l'autre.

Pour Hani Raslan, du Centre al-Ahram d'études stratégiques du Caire, «la seule solution réside dans la coopération» autour notamment de 22 projets en matière d'énergie, d'irrigation ou d'économies d'eau examinés dans le cadre de l'Initiative du Bassin du Nil (IBN), qui regroupe tous les pays concernés.

«Une signature unilatérale tuerait ces projets» qui pourraient «profiter à tout le monde», estime-t-il.

Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, ne cesse de réaffirmer sa volonté de négocier tout en martelant que le maintien des «droits historiques» de son pays restait une «ligne rouge».

En coulisses, les diplomates égyptiens font observer que les pays africains de l'amont ont peu de chances de trouver les financements internationaux nécessaires pour de grands travaux sur le fleuve s'il n'y a pas consensus entre les pays du bassin.

«Tous les accords internationaux concernant les fleuves affirment la nécessité de respecter les accords existants», souligne M. Aboul Gheit.

Le Caire «n'acceptera ni ne permettra la construction d'un quelconque projet dans le bassin du Nil qui pourrait nuire à ses intérêts en matière d'eau», ajoute-t-il.

Le ministre égyptien de l'Eau et de l'Irrigation, Mohammed Allam, a quant à lui affirmé devant le Parlement que l'Égypte «se réserve le droit de prendre toutes les mesures pour défendre ses droits».

«Les Egyptiens se comportent avec les Africains comme ils reprochent aux Israéliens de le faire avec les Palestiniens: ils disent vouloir négocier, mais sans rien céder sur les questions épineuses», ironise un diplomate occidental au Caire.

«L'Égypte n'a de l'eau que grâce au Nil. Les Africains en ont déjà grâce aux pluies», résume quant à lui un diplomate égyptien pour récuser les demandes des pays d'Afrique de l'est.