Le gouvernement éthiopien a multiplié ces dernières années les pressions et menaces pour diminuer l'influence de l'opposition et museler la presse et la société civile, a accusé mercredi l'organisation de défense des droits de l'Homme, Human Rights Watch (HRW).

Cette campagne vise, selon HRW, à s'assurer de la victoire aux élections législatives du 23 mai, tout en évitant les violences postélectorales de 2005.

Ces élections, marquées par une ouverture démocratique et une percée de l'opposition, s'étaient soldées par une victoire de la coalition au pouvoir depuis 1991. Les violences postélectorales avaient fait plus de 200 morts, essentiellement des manifestants de l'opposition tués par les forces de l'ordre.

Dans un rapport intitulé «100 manières de mettre la pression: violations des libertés d'expression et d'association en Ethiopie», HRW décortique les pratiques du Front révolutionnaire et démocratique des peuples d'Éthiopie (EPRDF - coalition au pouvoir.

L'ONG estime notamment que l'emprisonnement de figures de l'opposition, à l'image de Birtukan Mideksa depuis décembre 2008, constitue la partie visible d'un travail de sape de l'opposition par le parti au pouvoir.

Celui-ci se joue dans l'Éthiopie rurale, qui concentre 85% de la population. Nombre de témoins interrogés par HRW ont expliqué que l'obtention de semences, d'engrais ainsi que l'accès à la santé ou aux programmes de travail contre nourriture, sont conditionnés dans les campagnes à l'adhésion au parti au pouvoir.

«On dit aux gens que s'ils ne votent pas pour l'EPRDF, alors, pas d'engrais, pas d'hôpital», affirme à HRW un responsable de l'opposition Bulcha Demeksa.

Devant la percée de l'opposition en 2005, le parti au pouvoir a, selon HRW, renforcé son assise dans le pays à la faveur des élections locales de 2008 et d'une vaste campagne de recrutement, passant «de 760.000 membres en 2005 à plus de quatre millions, trois ans plus tard».

Ainsi, enseignants et fonctionnaires sont priés d'assister à des sessions d'informations organisées par le gouvernement, au cours desquelles leur sont distribués des formulaires d'adhésion au parti du premier ministre Meles Zenawi.

Un fonctionnaire de Gonder (Nord) décrit ainsi son expérience lors d'une récente conférence: «la vérité, c'est que c'est de l'endoctrinement (...) Après la réunion, ils nous ont distribué des documents, des formulaires pour adhérer au parti et nous ont dit comme s'il s'agissait d'un ordre: +remplissez ça+».

Le rapport d'HRW détaille également les tracasseries administratives imposées aux partis d'opposition et dénonce l'échec de la «diplomatie silencieuse» des puissances occidentales face à leur principal allié dans cette région particulièrement instable (Soudan, Somalie, Erythrée etc).

«Les gens oublient qu'en pratique et en théorie, ce gouvernement est une sorte de régime communiste qui ne croit pas aux droits de l'individu. Il croit au droit de l'Ethiopie de se développer», confie un diplomate à HRW.

Interrogé par l'AFP, le porte-parole du gouvernement, Bereket Simon, a qualifié ces accusations de «rididules», alors «qu'au contraire l'Ethiopie progresse sur tous les fronts».

«Le fait qu'ils (HRW) critiquent ces progrès démontrent que tout cela n'a rien à voir avec les droits de l'homme ou la démocratie», a estimé le porte-parole.