Deux Français de l'ONG Triangle GH, enlevés il y a près de quatre mois en République centrafricaine, ont été libérés dimanche au Darfour, région de l'ouest du Soudan en proie à la guerre et théâtre d'une vague d'enlèvements d'humanitaires.

Les deux humanitaires, Olivier Denis et Olivier Frappé, sont arrivés en soirée à Khartoum, selon l'ONG.

Leur libération a été annoncée par le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner dans un communiqué émis à Paris: «J'ai la joie de confirmer la libération, aujourd'hui au Darfour, des deux employés de l'ONG Triangle génération humanitaire, retenus en otages depuis leur enlèvement en République centrafricaine le 22 novembre 2009».

Les humanitaires libérés ont indiqué qu'ils avaient craint pour leur vie. «Il y a eu (des menaces) puis le ton s'est calmé. Des fois ça repartait lorsqu'ils (les ravisseurs) s'impatientaient. Au début on a senti que notre vie était en danger», a déclaré Olivier Denis à la sortie d'un hôpital militaire de Khartoum. «Nous n'étions pas maltraités mais évidemment dans la tête il se passe énormément de choses», a-t-il ajouté.

Le président français Nicolas Sarkozy s'est «réjoui de leur libération», a déclaré l'Élysée, qui a par ailleurs appelé à la libération de Gauthier Lefèvre, employé du CICR enlevé en octobre au Darfour.

L'enlèvement des deux Français avait été revendiqué par un groupe du Darfour disant s'appeler les «Aigles de libération de l'Afrique» et peu connu jusqu'alors. Ce même groupe avait également revendiqué le rapt, début novembre, d'un autre Français, Laurent Maurice, un agronome du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui a été libéré début février.

Dans des déclarations à l'AFP, ce groupe avait fait état de revendications politiques -notamment un changement de politique de la France au Soudan et au Tchad. Mais selon des analystes et les autorités soudanaises, ces hommes armés n'étaient en fait que des bandits souhaitant toucher une rançon.

Les deux humanitaires ont été «enlevés en Centrafrique parce que notre dispositif de sécurité au Darfour empêche les kidnappings de nos employés» dans cette région, a déclaré dimanche à l'AFP le directeur de l'ONG, Patrick Verbruggen.

Depuis l'émission en mars 2009 du mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais Omar el-Béchir, le Darfour, en proie à la guerre civile depuis 2003, est le théâtre d'une vague d'enlèvements de travailleurs humanitaires étrangers, notamment français.

«Nous allons les traduire en justice», a déclaré dimanche à l'AFP le ministre d'État soudanais aux Affaires humanitaires, Abdel Baqi Gilani, en référence aux ravisseurs des deux humanitaires français.

«Nous voulons éradiquer cette culture (des enlèvements) qui n'est pas la nôtre à nous Soudanais... Mais je vais être franc avec vous, je crains quand même qu'il y ait encore quelques incidents isolés», a-t-il fait remarqué.

Le Franco-britannique Gauthier Lefèvre, employé du CICR enlevé en octobre dans l'ouest du Darfour près de la frontière du Tchad, est le seul étranger encore en captivité dans cette région.

La vague d'enlèvements a limité les déplacements des humanitaires étrangers dans le Darfour, où la guerre civile a fait depuis 2003 quelque 300 000 morts selon les évaluations de l'ONU, 10 000 tués d'après Khartoum, et plus de 2,7 millions de personnes déplacées.

Le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour, le Mouvement pour la justice et l'Égalité (JEM) a signé récemment à Doha, au Qatar, un accord de cessez-le-feu doublé d'un accord politique avec le gouvernement soudanais devant mener à terme à une paix définitive.

Mais l'autre grand groupe rebelle, l'Armée de libération du Soudan d'Abdelwahid Mohammed Nour, refuse de participer à ce processus de paix. D'intenses combats ont eu lieu ces dernières semaines dans le Jebel Marra, fief du SLA-Abdelwahid au coeur du Darfour.