Près de la moitié de l'aide alimentaire distribuée par l'ONU en Somalie est détournée par des partenaires locaux corrompus, des employés onusiens et des miliciens islamistes, selon un rapport onusien au Conseil de sécurité.

«Le Programme alimentaire mondial (PAM) est le principal fournisseur de nourriture en Somalie», avec un budget de 485 millions de dollars, rappelle ce rapport du Groupe de contrôle (Monitoring group) de l'ONU sur la Somalie, dont l'AFP a eu en partie connaissance.

Dans un pays en guerre civile quasi-continue depuis 1991 où la situation humanitaire est dramatique, le PAM vient en aide à quelque 2,5 millions de personnes et intervient essentiellement dans le centre-sud de la Somalie, sous contrôle des insurgés islamistes shebab.

Du fait de l'insécurité qui y prévaut, le transport et la distribution de cette assistance alimentaire -représentant environ 200 millions de dollars- sont assurées localement par des partenaires somaliens.

Selon plusieurs sources impliquées dans la chaîne de distribution, «le système offre de nombreuses possibilités de détournement», explique le Groupe de contrôle.

Près de «30% de l'aide est détournée par des partenaires locaux du PAM et les personnels de l'agence onusienne, 10% par les transporteurs routiers, et 5 à 10% par les groupes armés qui contrôlent la zone», estiment les experts onusiens.

«Les détournements, organisés grâce à la collusion entre transporteurs routiers et partenaires locaux du PAM, sont une forme habituelle de fraude --en particulier quand ces transporteurs et organisations partenaires sont la propriété de mêmes personnes», ajoutent-ils.

«En théorie, les contrats du PAM sont accessibles par des appels d'offres ouverts et compétitifs. Dans les faits, le système n'offre pas ou très peu de chance pour une concurrence juste», poursuit le texte.

Les enquêtes du Groupe de contrôle pointent ainsi «l'existence d'un cartel de facto, caractérisé par des procédures irrégulières dans l'attribution des contrats du PAM, des pratiques discriminatoires et des traitements préférentiels».

Trois hommes d'affaires somaliens se partagent à eux seuls 80% des 200 millions de dollars de la distribution de l'aide, une chaîne qu'ils dominent depuis douze ans «avec leurs familles et proches associés».

Disposant de milices armées et contrôlant de facto deux ports stratégiques du sud somalien (El Man et Merka, au sud et au nord de Mogadiscio), tous trois comptent désormais «parmi les individus les plus riches et les plus influents» du pays.

Des organisations partenaires du PAM «possèdent des entrepôts près de marchés» où la nourriture détournée est déposée directement par les transporteurs «et peut être vendue facilement», précise également le texte.

«Nous n'avons pas encore vu ce rapport», a réagi le numéro deux du PAM (bien numéro deux mondial) Amir Abdulla, «mais nous enquêterons sur toutes les allégations, comme nous l'avons fait à chaque fois par le passé quand des questions ont été soulevées sur nos opérations».

Le PAM opère depuis plus de 20 ans en Somalie «malgré des conditions dangereuses, et a toujours essayé de respecter ses propres règles de conduite», a souligné M. Abdulla.

«L'intégrité de notre organisation est de la plus extrême importance, et nous continuerons à appliquer les critères les plus élevés de transparence et de bonne pratique humanitaire», a-t-il affirmé.

Le PAM avait annoncé début janvier la suspension de ses activités dans le centre-sud de la Somalie sous contrôle shebab en raison de la multiplication des «attaques et menaces» dont il était victime.

Fin février, les shebab ont formellement interdit les activités de l'agence onusienne.