Depuis trois mois, Thérèse est retenue dans une maternité de Kinshasa pour 290 $US de frais d'accouchement. Elle attend, comme des milliers de Congolaises dans son cas, un geste de générosité pour sortir enfin de l'hôpital.

À 42 ans, avec un mari chômeur et huit enfants à sa charge, Thérèse Ndaya dit avoir élu domicile à l'hôpital de Kintambo, une commune de Kinshasa, malgré elle.

«Ça fait trois mois et deux semaines que j'ai accouché par césarienne un mort-né. Ils me retiennent toujours pour que je paie 263 000 francs congolais (290 $US)» de frais d'hospitalisation, se lamente-t-elle.

«Je ne refuse pas de payer mais mon mari est chômeur et n'a pas d'argent», se justifie cette mère, dont l'aîné a 26 ans.

En République démocratique du Congo (RDC), 75% des 65 millions d'habitants vivent avec moins d'un dollar par jour, selon des chiffres officiels.

Et comme Thérèse, des milliers de mères, faute de moyens financiers, sont bloquées dans les centaines d'hôpitaux de la capitale de la RDC.

Les autorités ne disposent d'aucun chiffre, mais au moins 20% de mères sont retenues dans chaque centre de santé après leur accouchement.

À l'hôpital général de Makala, l'unique établissement de Kinshasa réservé aux détenus démunis de la prison centrale, Angèle (qui ne veut pas donner son nom complet) attend depuis quatre mois «une personne de bonne volonté» pour rentrer chez elle.

Elle aussi a subi une césarienne et l'enfant est également mort-né. Mais elle doit passer à la caisse pour payer les 232 000 FC (258 $) de frais d'accouchement.

Ornella Kivuata, une mineure de 16 ans, a elle eu la chance de garder son bébé à l'hôpital Roi Baudoin 1er, qui reçoit en moyenne 200 patients par mois, selon son administratrice-gestionnaire, Nelly Malumba.

À la maternité de cet établissement situé dans le quartier pauvre et populaire de Masina (est), la jeune fille, qui a aussi subi une césarienne, dort souvent à même le sol avec son petit garçon, en raison du nombre insuffisant de lits.

Ou, lorsqu'il y en a qui se libèrent, elle le partage avec sa voisine Espérance Kaputa et son bébé.

«Le père de mon fils m'a quitté quand je suis tombée enceinte. Je ne sais pas d'où viendront les 200 dollars qu'ils exigent de moi avant de sortir de l'hôpital», affirme, dépitée, Ornella, qui compte sur la «pitié» de l'hôpital.

Espérance, quant à elle, avait prévu seulement 22 dollars pour un accouchement normal. «On ne savait pas que j'allais accoucher par césarienne et maintenant on nous demande de payer 210 dollars», dit-elle.

Cependant, les hôpitaux accusent ces mères de «mauvaise foi».

«Avant, on prenait des objets de valeur en consignation mais on a constaté que certaines femmes dites démunies ne l'étaient pas», souligne Chantal Lubaki, une infirmière.

«Elles préparent tout: layettes, nouvelle tenue vestimentaire, chaussure neuve, nouvelle coiffure, sauf les frais d'accouchement. C'est de la mauvaise foi», commente-elle.

Selon Marie Nzuzi, employée au service comptabilité de la maternité de Kintambo, «les foyers organisés paient normalement leurs factures d'hospitalisation».

Face à la croissance de ces cas, l'administration de l'hôpital Roi Baudoin 1er a décidé de libérer après trois jours toutes les femmes qui accouchent sans césarienne mais qui n'ont pas d'argent.