Cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, la justice française a arrêté mardi pendant quelques heures Agathe Habyarimana, veuve du président rwandais assassiné en 1994, à la demande de Kigali qui exige son extradition pour son rôle présumé dans le génocide.

Dans l'après-midi, Mme Habyarimana a été remise en liberté sous contrôle judiciaire dans l'attente de sa comparution devant la cour d'appel de Paris qui devra statuer sur la demande d'extradition du Rwanda.

Agathe Habyarimana, 67 ans, avait été interpellée vers 8H00 (2H00 HAE) à son domicile à Courcouronnes (sud de Paris), où elle réside depuis 12 ans, sur la base d'un mandat d'arrêt international émis par les autorités rwandaises pour génocide, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Mardi, la France n'avait pas reçu le dépôt formel de la demande d'extradition de Kigali: «Donc, il faut voir et il est difficile de dire (maintenant) si on y donnera suite», a déclaré Bernard Valero, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

Mme Habyarimana «ne va pas consentir à être extradée», a prévenu son avocat Me Philippe Meilhac.

Kigali, qui a qualifié son interpellation de «très bon signe», l'accuse d'être l'un des «principaux planificateurs du génocide». Elle est souvent présentée comme une membre de l'«akazu», le premier cercle du pouvoir hutu qui a fomenté le génocide, ce qu'elle nie.

L'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion transportant son époux et président du Rwanda est considéré comme le signal déclencheur du génocide, qui fit selon l'ONU environ 800.000 morts, essentiellement tutsi.

«Nous faisons confiance à la justice d'un pays démocratique. Tant que la politique ne s'en mêle pas, et qu'on laisse le dossier suivre son cours», a pour sa part déclaré Léon Habyarimana, l'un des fils d'Agathe Habyarimana.

L'interpellation d'Agathe Habyarimana est survenue cinq jours après la visite de Nicolas Sarkozy à Kigali, la première d'un président français au Rwanda depuis le génocide.

Pour son avocat, «on ne peut pas ne pas faire le lien».

À Kigali, Nicolas Sarkozy et son homologue rwandais Paul Kagame, qui a longtemps accusé la France de complicité de génocide, ont scellé une réconciliation entre les deux pays après trois années de relations diplomatiques rompues.

Au cours de cette visite, le président français avait affirmé sa volonté que «tous les responsables du génocide soient retrouvés et punis (...), où qu'ils se trouvent», tout en rappelant être tenu par «l'indépendance de la justice».

Évacuée dès les premiers jours du génocide vers la France par des militaires français, Mme Habyarimana a résidé au Gabon au Zaïre et au Kenya, avant de s'installer en France en 1998.

En octobre 2009, le Conseil d'État, plus haute instance administrative française, a refusé la demande d'asile qu'elle avait présentée cinq ans auparavant, estimant qu'il y avait des «raisons sérieuses de penser» qu'elle pouvait être impliquée «en tant qu'instigatrice ou complice» dans le «crime de génocide».

Mme Habyarimana est par ailleurs l'objet depuis 2008 d'une enquête ouverte à Paris à la suite d'une plainte la visant notamment pour complicité de génocide. Elle n'a à ce stade pas été entendue par les juges d'instruction.

La justice française s'est opposée à trois reprises à l'extradition vers le Rwanda de personnes soupçonnées d'avoir pris part au génocide. La Cour de cassation, la plus haute autorité judiciaire française, a jugé que les juridictions rwandaises ne satisfaisaient pas aux normes internationales et n'étaient pas à même de garantir un «procès équitable».