Le Soudan et un important groupe rebelle du Darfour ont signé samedi une trêve et un accord pour des négociations de paix directes, de «bonnes nouvelles» pour le président Omar el-Béchir à l'approche d'élections clés mais qui ne garantissent pas la fin de la guerre.

«Nous venons de signer l'accord-cadre avec le gouvernement soudanais», a déclaré à l'AFP par téléphone à N'Djamena, au Tchad, Ahmed Hussein, porte-parole du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), un des deux principaux groupes rebelles du Darfour.

Cet accord encadrera les négociations de paix directes entre le JEM et Khartoum qui doivent avoir lieu à Doha, au Qatar. «Nous y discuterons du partage des richesses, du partage de pouvoir, du retour des déplacés, de la compensation (pour les victimes du conflit) et des prisonniers» de la rébellion, a indiqué M. Hussein.

Cet accord-cadre doit encore être signé mardi à Doha en présence du président soudanais Omar el-Béchir et de son homologue tchadien Idriss Deby, qui se sont engagés récemment à mettre fin à cinq ans de guerre par groupes rebelles interposés.

Les négociations de paix de Doha en vue d'une «paix définitive» pourraient déboucher sur «un accord final à signer avant le 15 Mars 2010», a précisé la présidence tchadienne dans un communiqué.

Une centaine de peines de morts annulées

Le JEM et le gouvernement soudanais ont aussi signé un cessez-le-feu qui doit prendre effet immédiatement, a indiqué un responsable de la rébellion. M. Béchir a aussitôt annoncé l'annulation des peines de mort prononcées contre 105 membres du JEM, lors d'un discours à Khartoum.

Les rebelles du JEM avaient lancé en mai 2008 une attaque sans précédent contre la ville jumelle de Khartoum, Omdurman, mais avaient été repoussés par les forces de sécurité à l'issue de violents combats qui ont fait 220 morts.

M. Béchir a aussi annoncé samedi la libération prochaine de prisonniers du JEM, une décision saluée par le mouvement rebelle d'obédience islamiste et comptant sur de solides appuis au sein de la tribu zaghawa, établie au Darfour et dans l'Est du Tchad.

Ces nouveaux développements ne signalent pas la fin de la guerre au Darfour, vaste région de l'ouest du Soudan en proie depuis 2003 à un conflit opposant des mouvements armés aux forces armées soudanaises appuyées par des milices locales.

Un groupe refuse de se joindre à l'accord de paix

L'Armée de libération du Soudan d'Abdelwahid Nour (SLA- Abdelwahid), un leader laïque de la tribu Four - qui a historiquemment donné son nom au «Darfour» (littéralement la «maison des Fours») - refuse de se joindre au processsus de paix de Doha.

La situation demeurait tendue samedi dans le Jebel Marra, une montagne et sa vallée fertile au coeur du Darfour contrôlée par le SLA-Abdelwahid, après d'importants combats la semaine dernière avec les forces progouvernementales, selon des sources concordantes.

Ces nouveaux développements surviennent alors que débute la campagne pour les premières élections - législatives, régionales, et présidentielle - multipartites depuis 1986 au Soudan. Le scrutin doit avoir lieu du 11 au 13 avril.

M. Béchir, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale qui l'accuse de crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, avait promis vendredi «de bonnes nouvelles» qui allaient mettre fin au conflit dans cette région en proie aussi au banditisme.

Le Darfour est l'un des sujets clés de la campagne électorale et M. Béchir souhaiterait avant le scrutin arriver à une solution, ou du moins à la mise sur pied d'un processus de paix sérieux, sur cet épineux dossier, selon plusieurs observateurs.

Le conflit au Darfour a fait 300 000 morts selon les estimations de l'ONU, 10 000 d'après Khartoum, et 2,7 millions de déplacés.

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Chronologie: sept ans de conflit au Darfour

Voici les grandes dates du conflit du Darfour (ouest du Soudan) à propos duquel un cessez-le-feu et un accord ont été signés samedi au Tchad entre Khartoum et le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), un important groupe rebelle.

Ce conflit a fait jusqu'à 300 000 morts selon les estimations de l'ONU, 10 000 d'après Khartoum, et plus de 2,7 millions de déplacés depuis 2003.

26 fév 2003: Chute du chef-lieu de Gulu (Darfour-Nord) aux mains de rebelles du Front de libération du Darfour d'Abdelwahid Mohammed Nour.

6 et 14 mars: Deux mouvements rebelles, le JEM et le Mouvement/Armée de libération du Soudan (SLM/SLA), nouveau nom du Front de libération du Darfour, réclament une répartition équitable du pouvoir et des richesses du Soudan.

25 avr: Attaque du JEM et du SLA sur l'aéroport d'El-Facher, capitale historique du Darfour.

14-15 août 2004: Arrivée des premiers soldats d'une force africaine (Amis).

31 jan 2005: Une enquête de l'ONU dénonce des crimes contre l'humanité mais estime que Khartoum «n'a pas poursuivi une politique de génocide».

5 mai 2006: Accord de paix entre le gouvernement et une faction importante du SLM/SLA, celle de Minni Minnawi. Le JEM et une autre faction du SLA refusent de parapher. La rébellion se fragmente.

2 mai 2007: La Cour pénale internationale (CPI) lance deux mandats d'arrêt contre un ancien secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Ahmed Haroun, et un chef des Janjawids, Ali Kosheib, accusés de crimes de guerre. Khartoum nie toute compétence à la CPI.

1er décembre 2008: Une «force hybride» ONU-Union africaine (Minuad) prend le relais de la force africaine. Son déploiement fait face à de nombreux obstacles et ils ne sont actuellement sur le terrain que 20 000 soldats et policiers sur les 26 000 prévus.

10 mai: Attaque sans précédent des rebelles JEM contre Omdurman, ville voisine de Khartoum, repoussée. Plus de 220 morts.

4 mars 2009: Mandat d'arrêt de la CPI contre le président soudanais Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité au Darfour. 13 ONG internationales actives du Darfour sont expulsées.

8 fév 2010: Première visite depuis six ans au Soudan du président tchadien Idriss Deby Itno. MM. Deby et Béchir annoncent leur intention de normaliser leurs relations et d'en finir avec leur guerre par groupes rebelles interposés.