À six mois de la prochaine élection présidentielle au Rwanda, le gouvernement de Paul Kagame réprime systématiquement ses opposants en les accusant de propager une «idéologie génocidaire», dénonce Human Rights Watch.

Les agressions contre les militants des partis de l'opposition se multiplient au Rwanda, constate aussi l'organisation de défense des droits humains.

 

Au début de février, des membres de l'opposition ont subi de «graves actes d'intimidation» de la part de personnes ou d'institutions proches du gouvernement, écrit Human Rights Watch dans un communiqué diffusé cette semaine.

Le 3 février, la présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), Victoire Ingabire, ainsi qu'un de ses collègues, ont été agressées lors de ce qui s'apparente à une «attaque bien planifiée». Selon des témoignages, les policiers présents lors de cette attaque ne sont pas intervenus pour y mettre fin.

Rentrée récemment d'exil pour faire campagne contre le président sortant, Victoire Ingabire fait l'objet d'une «campagne de diffamation» de la part des autorités, selon Human Rights Watch.

Battu «sauvagement», son collègue Joseph Ntawangundi a été arrêté trois jours plus tard sous des accusations de participation au génocide de 1994.

Un autre opposant du régime actuel, Frank Habineza, président du Parti vert, a été menacé par un homme vraisemblablement lié au gouvernement dans un restaurant de Kigali, rapporte Human Rights Watch.

Quelque 800 000 personnes, appartenant en majorité à la minorité tutsie, ont été assassinées entre avril et juillet 1994 au Rwanda, lors d'une campagne génocidaire menée par des extrémistes hutus. Depuis la fin de ce génocide, le Rwanda est dirigé par le Front populaire rwandais (FPR) de Paul Kagame.

Selon Leslie Haskell, qui suit le dossier rwandais pour Human Rights Watch, trois partis politiques s'opposent au gouvernement en place. Deux d'entre eux sont dirigés par des leaders appartenant à l'ethnie hutue, majoritaire au pays.

Au nom de l'unité nationale, le régime actuel interdit de faire référence aux origines ethniques, souligne Leslie Haskell: «On n'entend jamais les dirigeants parler de Hutus ou de Tutsis, ces mots, les gens les chuchotent à l'intérieur de leurs maisons.»

Autre «ligne rouge» à ne pas transgresser au Rwanda: réclamer justice pour les crimes de guerre commis par des membres de l'armée du FPR contre des Hutus.

Dès son retour au Rwanda, le 16 janvier, Victoire Ingabire a déposé des fleurs au mémorial en hommage aux Tutsis victimes du génocide. Mais elle a aussi réclamé que les responsables de crimes contre les Hutus fassent face à la justice.

Ce geste lui a valu des accusations de négationnisme. Encore hier, le premier ministre Bernard Makuza lui a reproché de «mépriser les Rwandais» en perpétuant la division ethnique.

En réalité, le gouvernement rwandais se sert de ces accusations pour faire taire ses critiques, affirme Leslie Haskell. Elle déplore que le régime Kagame balaie les différences ethniques sous le tapis. «Ce n'est pas parce qu'on les occulte que ces différences vont disparaître», dit-elle.

 

Une femme à suivre

Bien que son parti n'ait pas encore réussi à se faire enregistrer, Victoire Ingabire Unuhoza est la principale adversaire du président Paul Kagame en vue de l'élection d'août prochain. Âgée de 41 ans, la présidente des Forces démocratiques unies avait quitté le Rwanda pour les Pays-Bas en mars 1994. Elle est rentrée d'exil en janvier, avec l'intention d'unir les mouvements d'opposition au président Kagame. Elle prône la création d'une commission de vérité et de justice pour contribuer à une véritable réconciliation entre les Rwandais. - Agnès Gruda