Le président tchadien Idriss Deby Itno a tendu lundi une branche d'olivier à son homologue soudanais Omar el-Béchir lors de sa première visite au Soudan depuis six ans, signe d'apaisement entre les deux voisins qui se livrent une guerre par groupes rebelles interposés.

Le président tchadien est arrivé lundi en fin de matinée à l'aéroport de Khartoum, où il a été accueilli par son homologue soudanais, des ministres et le gotha diplomatique de la capitale soudanaise.

MM. Deby et Béchir ont ensuite tenu des discussions dans le centre des congrès, au coeur de la capitale soudanaise sur la rive orientale du Nil.

«Nous sommes venus ici comme une colombe... nous sommes venus pour marquer notre volonté, notre disponibilité, notre engagement à faire en sorte que la paix, la quiétude, la confiance reviennent» entre nos deux pays, a déclaré au début des discussions le président tchadien qui s'exprimait en français.

«Nous sommes venus pour repartir avec la paix», a ajouté M. Deby qui effectue sa première visite au Soudan depuis juillet 2004, alors à El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest jouxtant la frontière tchadienne.

Le Tchad et le Soudan entretiennent des relations chaotiques depuis cinq ans et s'accusent de soutenir des rébellions hostiles à leur pouvoir. Les deux voisins ont signé mi-janvier à N'Djamena un «accord de normalisation» assorti d'un «protocole de sécurisation des frontières».

«Nous nous engageons à mettre en oeuvre tous les accords qui ont été signés entre nos deux pays», a assuré le président Béchir.

En vertu de l'accord, le Tchad et le Soudan s'engagent à cesser tout soutien à leurs mouvements rebelles respectifs. L'accord prévoit aussi le déploiement d'une force mixte à la frontière tchado-soudanaise composée de 3 000 hommes, à parts égales.

«Nous voulons retourner à de meilleures relations», a affirmé M. Béchir, soulignant que le déploiement d'une force mixte aurait un «impact important» sur la sécurité à la frontière et pour la population du Darfour.

Différentes tentatives pour réconcilier les deux pays étaient jusque-là restées lettre morte, notamment le pacte de non-agression, baptisé «accord de Dakar», signé en mars 2008 dans la capitale sénégalaise.

Cet accord avait volé en éclats quelques mois plus tard lorsque les rebelles darfouris du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) avaient mené une attaque sans précédent sur la banlieue de Khartoum. La rébellion tchadienne avait ensuite mené une offensive jusqu'à N'Djamena.

«Cette fois-ci, ça a l'air sérieux», a souligné à l'AFP un diplomate sous le couvert de l'anonymat. «Les deux pays en ont besoin en ce moment. Le Tchad se dirige vers des élections législatives en novembre et une présidentielle en avril 2011, alors que des élections sont prévues en avril au Soudan, puis un référendum en janvier 2011», sur la sécession du Sud-Soudan, a-t-il noté.

Selon des observateurs, la normalisation des relations entre Khartoum et N'Djamena priverait les rebelles darfouris d'un de leurs importants soutiens et pourrait faciliter un accord entre la rébellion du Darfour et le gouvernement soudanais, qui doivent prochainement entamer des pourparlers directs au Qatar.

«Cette visite (d'Idriss Deby) aura définitivement un impact positif sur les pourparlers de Doha», a assuré le chef de la diplomatie soudanaise, Deng Alor. Le président soudanais a salué les «efforts positifs» d'Idriss Deby pour soutenir le processus de paix de Doha qui cherche à mettre fin au conflit du Darfour à l'origine de 300 000 morts selon les estimations de l'ONU - 10000 d'après Khartoum - et 2,7 millions de déplacés.