Engagée dans le soutien à l'armée congolaise pour une opération menée depuis mars contre les rebelles hutus dans l'est de la RD Congo, l'ONU voit sa stratégie de plus en plus contestée, notamment après la révélation de tueries de civils attribuées à des unités régulières.

Depuis plusieurs mois déjà, des ONG internationales et congolaises réclament en vain la suspension de l'opération «Kimia II» («paix» en langue locale) conduite par les Forces armées de RDC (FARDC) pour traquer les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) présents dans le Nord et le Sud-Kivu (est). Depuis la fin d'une opération conjointe inédite des armées congolaise et rwandaise contre les FDLR, en janvier-février, les FARDC agissent seules contre les rebelles, appuyées par la Mission des Nations unies en RDC (Monuc).

Celle-ci leur fournit des rations, du carburant, mais aussi un appui feu et une aide à la planification des opérations et à l'évacuation médicale.

Mais récemment, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer vigoureusement le prix payé par les populations civiles, victimes de pillages, incendies, viols et tueries, lors de l'opération.

Mi-octobre, le rapporteur spécial de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Philip Alston, qualifiait Kimia II de «catastrophe» en matière des droits de l'Homme, et plaidé pour un «changement de stratégie» des FARDC et de la Monuc.

Il révélait alors le «massacre» par une unité FARDC, commandée par un colonel, d'au moins 50 réfugiés hutus fin avril dans le Nord-Kivu.

Lundi, c'est le conseiller spécial américain pour la région des Grands Lacs, Howard Wolpe, qui jugeait à son tour «inacceptable» le prix payé par les civils, évoquant un «malaise croissant». Selon lui, la carte militaire ne suffira pas à régler le problème des FDLR.

Le même jour, l'ONG Human Rights Watch (HRW), accusait des soldats congolais d'avoir «tué délibérément au moins 505 civils» depuis mars, citant notamment deux tueries récentes en août au Nord-Kivu, qui auraient fait au moins 81 et 50 victimes.

Au même moment, le secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des opérations du maintien de la paix, Alain Leroy, en visite en RDC, annonçait la suspension de l'appui logistique de la Monuc à une unité des FARDC - la 213e brigade - qui serait impliquée dans les meurtres d'«au moins 62 civils».

«Il y a une forte pression des ONG avec des coups qui portent, donc ils ne devaient pas prendre d'autres décisions. Est-ce que cela va changer grand chose sur le terrain ? Ce n'est pas sûr», estime une source diplomatique, interrogée par l'AFP.

«C'est une étape importante, mais ce n'est pas assez, il y a d'autres unités impliquées», juge Anneke Van Woudenberg, chercheuse à HRW, pour qui la Monuc doit «suspendre immédiatement son soutien à l'opération militaire, faute de quoi elle court le risque d'être impliquée dans de nouvelles atrocités».

«Sur le terrain, des responsables des droits de l'Homme au sein de la Monuc disent que la situation est catastrophique, extrêmement préoccupante, que les conséquences des opérations militaires sur les civils sont importantes, avec des massacres, et que l'image de la Monuc va être associée à cela. +Cela fait des semaines que nous le disons mais nous ne sommes pas écoutés+, disent-ils», ajoute la source diplomatique.

Malgré cela, le 16 octobre à New York, dans un compte-rendu au Conseil de sécurité, le représentant de l'ONU en RDC, Alan Doss, s'est opposé catégoriquement à l'idée d'une suspension de l'opération Kimia II, tout en reconnaissant «l'impossibilité de protéger tout le monde, partout et tout le temps».