Appels à la sécession du Sud-Soudan, boycott du parlement national par les partis sudistes, désaccords sur des projets de loi cruciaux pour la bonne tenue des élections d'avril et d'un référendum clé: le fossé se creuse au Soudan entre les ex-ennemis du Nord et du Sud.

Le chef sudiste et vice-président du Soudan Salva Kiir a jeté un pavé dans la mare ce week-end en appelant les électeurs sudistes à voter pour l'indépendance lors d'un référendum prévu en janvier 2011. Ou bien «vous votez pour l'unité et devenez un citoyen de second rang dans votre propre pays», ou bien «vous votez pour l'indépendance et devenez une personne libre dans un pays indépendant», a résumé M. Kiir, lors d'un discours à la fin de la messe à la cathédrale catholique de Sainte-Thérèse, à Juba.

«Les Sud-Soudanais, si on leur posait la question aujourd'hui, voteraient dans une majorité écrasante en faveur de la séparation», a ajouté cette semaine le chef de la diplomatie soudanaise, le sudiste Deng Alor.

Le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, en grande partie chrétien, du Soudan ont mis fin en 2005 à plus de deux décennies de guerre civile à l'origine de deux millions de morts.

L'accord prévoit la tenue d'élections législatives, présidentielle et régionales - reportées à avril 2010 - et un référendum en janvier 2011 sur la sécession du sud.

D'ici là, les ex-ennemis, qui forment un gouvernement d'union nationale, se sont engagés à rendre l'unité du pays «attrayante», mais n'ont que 14 mois pour faire de ce voeu une réalité et éviter un divorce qui semble déjà consommé.

«Je ne pense pas que leurs positions soient conciliables», pense l'analyste Alex de Waal, interrogé en marge d'un symposium à Khartoum sur question de l'unité du Soudan et de l'auto-détermination du sud.

La controverse sur la sécession du Sud survient sur fond de vives tensions entre le Parti du congrès national (NCP) du président Omar el-Béchir et le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), ex-rebelles sudistes de Salva Kiir.

«La relation entre le NCP et le SPLM est à son point le plus bas depuis quatre ans», estime Yasser Arman, un haut responsable du parti de Salva Kiir.

Des responsables sudistes accusent Khartoum d'armer des milices impliquées dans des «affrontements tribaux» au Sud-Soudan, des accusations balayées du revers de la main par le gouvernement central.

Le SPLM boycotte les travaux du parlement au moment où doivent être votées des lois clés pour garantir la bonne tenue des élections d'avril 2010, premier scrutin multipartite depuis 1986 au Soudan.

Des négociations sont en cours entre des ténors des deux partis pour régler des différends sur les lois à adopter avant les élections, dont une réforme controversée des pouvoirs des services de renseignement. 

«À moins d'obtenir un accord dans les deux ou trois prochaines semaines, il sera difficile de tenir des élections», a prévenu Amin Hassan Omar, un haut responsable du NCP.

Les deux partis sont aussi divisés sur la loi référendaire. Un accord initial survenu à la mi-octobre fixait à «50% des voix plus une» le seuil pour garantir la victoire de l'option sécessionniste lors du référendum.

Mais au moins les deux-tiers des électeurs inscrits devront voter, précise l'accord, pour que le résultat soit valide, un quorum jugé trop élevé par des politiques sudistes.

«L'échec n'est pas une option. Les élections nationales et le référendum sur l'auto-détermination du Sud-Soudan sont à seulement des mois (d'aujourd'hui), pas à des années», a averti mardi l'émissaire américain Scott Gration qui tente de replâtrer les partis.