Zodwa Mahlabane aligne quinze comprimés devant elle, se sert un verre d'eau et commence à avaler les pilules une à une. Elle espère que ce rituel, répété tous les matins et soirs depuis deux ans, la débarrassera d'une tuberculose résistante.

Mais ce n'est pas tout: cette habitante du Swaziland, âgée de 29 ans, prend aussi depuis 2003 des médicaments antirétroviraux (ARV) pour ralentir la progression du virus du sida.

Son cas n'est pas isolé dans le petit royaume montagneux, où 80% des tuberculeux sont également porteurs du virus HIV, selon l'organisation Médecins sans Frontières (MSF) qui organisait cette semaine un séminaire sur le sujet.

«La double infection tuberculose/HIV a fait chuter l'espérance de vie à 32 ans au Swaziland», relève Aymeric Peguillan, chef de mission pour MSF dans ce petit pays enclavé entre l'Afrique du Sud et le Mozambique.

«Chaque année, il y a environ 14 000 nouveaux cas de tuberculose diagnostiqués, ce qui est beaucoup rapporté à la petite population du royaume: 1,1 million de personnes», ajoute-t-il.

Zodwa Mahlabane a appris qu'elle était tuberculeuse en 1996, mais elle vient juste de terminer la deuxième phase du traitement qui, outre les multiples pilules a inclus neuf mois d'injections quotidiennes.

«Au début les comprimés me rendaient malades alors j'ai arrêté. Et quand la tuberculose a recommencé, j'ai refusé de me soigner», raconte-t-elle. «Mais mon fils m'a supplié et j'ai repris le traitement.»

«J'ai continué à prendre les pilules mais ça n'allait pas mieux. Je savais que j'étais porteuse du virus VIH mais je n'ai rien fait jusqu'en 2003», poursuit cette habitante de Shiselweni.

Les médecins se sont alors rendus compte que ses cellules immunitaires avaient atteint un niveau tellement faible qu'elles ne la défendaient plus du tout et ont décidé de la mettre sous ARV.

Le sida et la tuberculose pèsent lourdement sur le système de santé du Swaziland, un des pays les pauvres au monde, et les autorités peinent à atteindre les zones rurales, où vit 80% de la population.

Zodwa Mahlabane habite avec sa soeur dans une maisonnette d'une pièce, faite avec des briques de boue. Un lit, un frigidaire et une radio constituent l'intégralité du mobilier.

«J'habitais dans un autre village mais j'ai dû déménager parce que je suis tombée très malade et je ne pouvais pas me payer le taxi tous les jours pour aller à la clinique», confie-t-elle à l'AFP. «Je ne travaillais pas et il fallait que j'économise pour payer la nourriture.»

Aujourd'hui, elle vit tout près du centre de soins de Nhlangano, où environ 100 patients viennent chaque jour consulter les quatre infirmières.

«La charge de travail est énorme, d'autant qu'on a beaucoup de missions administratives», explique Joyce Sibanda, une infirmière de MSF qui travaille dans le centre.

Le personnel doit aussi savoir écouter les malades, qui confient leurs problèmes financiers, la discrimination dont ils sont victimes et leurs difficultés à gérer les effets secondaires.

«A chaque fois que je prends mes médicaments, ça me gratte pendant des heures», raconte Nomcebo Mhlanga, une enseignante de 31 ans soignée depuis un an pour une tuberculose multirésistante.

«Depuis que je suis sous traitement, mes membres et mes articulations sont rigides et douloureux. Ma vue a commencé à baisser, poursuit-elle. Je suis presque devenue aveugle et, pire que tout, les médicaments m'ont rendu sourde.»