Sans se bousculer au portillon, les Soudanais ont commencé dimanche à s'inscrire sur les listes électorales en vue des élections d'avril 2010, le premier scrutin multipartite en près d'un quart de siècle dans le plus grand pays d'Afrique.

«Je suis une citoyenne soudanaise et je veux exercer mon droit de vote», explique Mushaïd Youssif, une jeune mère venue s'enregistrer dans le quartier populaire d'ad-Dim, à Khartoum, où des électeurs s'inscrivaient au compte-gouttes dans la matinée.

«L'enregistrement est différent par rapport aux précédentes élections. Là, ils m'ont donné une carte d'électeur (plastifiée) et numérotée que je devrai présenter pour voter», souligne Ali Adbel Galil Omar, vieil homme vêtu d'une tunique blanche.

Le début de l'enregistrement défrayait la chronique dimanche dans la plupart des quotidiens de la capitale, mais dans les rues, les affiches expliquant aux électeurs où, quand et comment s'inscrire étaient rares.

A Juba, capitale du Sud-Soudan semi-autonome, un concert et une grande marche ont lancé samedi le processus d'enregistrement. «Nous sommes heureux parce que cela signifie le début de la période électorale», souffle William Deng, 25 ans, chauffeur d'une moto-taxi.

«La population ne sait pas que l'enregistrement a commencé, mais cela va changer», ajoute-t-il. Les rues de Juba, ville majoritairement chrétienne, étaient tranquille dimanche matin alors que plusieurs personnes étaient à la messe.

Les électeurs soudanais ont un mois pour s'inscrire sur les listes électorales dans des bureaux fixes et mobiles qui se rendront dans des villages isolés. «Nous avons établi un calendrier (pour passer dans les zones plus reculées) et les chefs de village sont au courant», dit à l'AFP al-Hadi Mohammed Ahmed, responsable de l'enregistrement à la Commission soudanaise des élections.

Mais «la commission électorale aura peut-être des difficultés à envoyer le matériel dans des régions reculées», souligne un responsable onusien sous le couvert de l'anonymat

Le Soudan compte 39 millions d'habitants, soit environ 19 à 20 millions d'électeurs potentiels, selon les autorités. «Ce sera un défi d'inscrire 20 millions d'électeurs en un mois», explique à l'AFP Aly Verjee du Centre Carter, organisme américain qui observe le processus électoral à travers le Soudan.

Les élections - législatives, présidentielle et régionales - d'avril 2010 seront les premières élections multipartites depuis 1986 au Soudan, géant africain dirigé depuis 1989 par le président Omar el-Béchir, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), et les cinquièmes depuis l'indépendance du pays en 1956.

Le nombre d'électeurs inscrits est historiquement bas au Soudan. Selon les données colligées par l'institut de recherche Rift Valley, quelque 26% de la population - donc un peu plus de 50% des personnes éligibles - étaient inscrits aux élections de 1986, le plus fort taux de l'histoire du pays. «Nous espérons cette fois obtenir un taux de 70%», affirme al-Hadi Mohammed Ahmed.

L'enregistrement des électeurs se fera dans un climat tendu dans certaines régions du Sud-Soudan, théâtre de violents affrontements tribaux depuis le début de l'année, et au Darfour (ouest) en proie à une guerre civile complexe et à une insécurité chronique.

«Au Darfour, il y a une combinaison de difficultés à la fois logistiques et tenant à la sécurité», remarque M. Verjee du Centre Carter. Quelque 2,7 millions de personnes déplacées par le conflit au Darfour vivent dans des camps. Ces déplacés ont aussi le droit de vote.