Le journaliste tunisien Taoufik Ben Brick, critique virulent du régime du président Zine El Abidine Ben Ali, a été incarcéré après avoir été accusé d'agression, ce qui a suscité «la concertation des capitales européennes» sur sa situation.

Taoufik Zoghlami Ben Brick a été inculpé jeudi soir après une «plainte pour agression, atteintes aux bonnes moeurs et dégradation de biens, déposée par une femme avec laquelle il a eu une altercation», selon la justice tunisienne.

Selon son défenseur, Me Nejib Chebbi, le journaliste a été présenté au parquet en l'absence de ses avocats et de sa famille, puis écroué à la prison de Mornaguia (30 km de Tunis). Il risque jusqu'à cinq ans de prison.

Selon Me Chebbi, «la seule explication (dans cette affaire) se trouve dans la série d'articles publiés récemment par le journaliste dans la presse française».

Vendredi, le ministère français des Affaires étrangères a fait savoir que les capitales européennes discutaient de la situation du journaliste, dont le jugement est fixé au 19 novembre.

«Les capitales européennes se concertent actuellement à ce sujet» et «nous suivons la situation de M. Ben Brick avec la plus grande attention», a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero.

Le journaliste est accusé d'avoir «attrapé» la plaignante «par les cheveux», de l'avoir «rouée de coups en proférant à son égard des propos portant atteinte aux bonnes moeurs et blasphèmes». Il a «reconnu les faits qui lui sont reprochés», selon une source judiciaire officielle tunisienne.

«Alors qu'elle protestait contre le fait qu'il ait percuté le rétroviseur de sa voiture, l'accusé a fait marche arrière heurtant délibérément la voiture de la plaignante», selon la même source.

L'arrestation de M. Ben Brick avait été annoncée jeudi par Reporters sans frontières (RSF).

Par ailleurs, les autorités tunisiennes ont démenti vendredi une agression contre un autre journaliste, Slim Boukhdhir, dénoncée jeudi à Vienne par l'Institut international de presse (IPI).

Elles ont indiqué que «rien ne prouve les allégations faites par M. Boukhdhir, d'autant que ce dernier n'a déposé aucune plainte».

D'après l'IPI, M. Boukhdhir, un opposant condamné à un an de prison en 2007 pour injure à un fonctionnaire public, a été enlevé mercredi soir par quatre hommes et battu.

Avant l'incident, il avait donné une interview à la radio-télévision britannique BBC sur la réélection du président tunisien, où il avait évoqué les campagnes d'intimidation du pouvoir contre les journalistes.

Jeudi, avant la déclaration du Quai d'Orsay, des eurodéputés de la liste française Europe-Ecologie, dont Daniel Cohn-Bendit et Eva Joly, avaient dénoncé l'«indifférence» des ministres français Bernard Kouchner (Affaires étrangères) et Frédéric Mitterrand (Culture) envers des «détentions arbitraires en Tunisie».

Outre les cas Ben Brick et Boukhdhir, ils citaient «l'enlèvement de Mohamed Soudani, étudiant syndicaliste», «les actes de violence à l'encontre de Sihem Bensedrine, rédactrice en chef de Kalima», et les «détentions arbitraires de 38 manifestants du bassin minier de Gafsa» (sud-ouest) et «de Zouhair Maklouf, reporter».

Ils dénonçaient également l'interdiction d'entrée en Tunisie de Florence Beaugé, journaliste au Monde.

Au pouvoir depuis 22 ans, M. Ben Ali, 73 ans, a été réélu dimanche pour un cinquième mandat, obtenant 89,62% des voix.

Lundi, les États-Unis ont qualifié de «préoccupante» cette réélection, mettant en avant l'absence d'observateurs internationaux durant le scrutin.

Des partis d'opposition ont dénoncé des «irrégularités».

Les autorités tunisiennes parlent d'élections dans «un climat de liberté et de transparence».