Une semaine après des affrontements entre l'armée guinéenne et des opposants à Conakry, de nouveaux témoignages accablants émergent pour décrire les atrocités commises par des soldats. Pendant ce temps, le président du Burkina Faso se propose comme médiateur pour résoudre la crise politique dans ce pays où la présence d'investisseurs étrangers contribue au maintien d'un pouvoir corrompu.

Dans son bureau de Lausanne, en Suisse, Adjidjatou Barry Baud est inquiète. Les nouvelles que reçoit l'éditrice de GuinéeActu en provenance de Conakry sont mauvaises. «J'ai très peur. J'ai peur que la Guinée ne sombre dans la guerre civile.»

Une semaine après des affrontements violents entre les soldats de l'armée et des partisans de l'opposition qui étaient réunis dans un stade de la capitale, le calme semble être revenu à Conakry. Mais des témoignages additionnels émergent sur les méthodes répressives employées par l'armée - voir le texte ci-dessous - et les leaders politiques de l'opposition n'oseraient plus dormir chez eux.

Selon les autorités, 56 personnes y ont perdu la vie, mais l'ONU et des ONG soutiennent qu'il y aurait au moins 100 victimes de plus, sans parler du millier de blessés.

C'était le premier affrontement du genre depuis l'arrivée au pouvoir de la junte militaire en décembre dernier. L'opposition veut empêcher l'actuel président Moussa Dadis Camara de se présenter aux élections de 2010. Elle lui demande de quitter le pouvoir immédiatement en faveur d'un gouvernement civil.

De bonnes affaires

Mais pour Bonnie Campbell, professeure à l'UQAM et directrice du Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique, les événements de la dernière semaine ne sont que la pointe de l'iceberg qui afflige cette contrée d'Afrique de l'Ouest. «C'est un pays de paradoxes, dit-elle. Il est extrêmement riche sur le plan minier, mais son gouvernement manque de transparence.»

Les ressources minières de la Guinée en bauxite, alumine, or et diamants sont faramineuses. La Guinée est le plus important producteur de bauxite, principal minerai d'aluminium, au monde avec des exportations de plus de 450 millions de dollars. Le Canada, comme bien d'autres pays occidentaux, y brasse de bonnes affaires.

«La présence étrangère fait que tout le monde participe à ce système de gouvernance peu transparent, rappelle Mme Campbell. C'est une logique de reproduction du pouvoir dans laquelle les affaires trouvent leur place.»

Dans un système où les redevances minières enrichissent l'État - et surtout ceux qui y sont à la tête - le pouvoir exerce un grand attrait pour les candidats. «Ceux qui accèdent au pouvoir accèdent aux fonds», résume Mme Campbell.

Que penser des leaders qui espèrent briguer les élections présidentielles de 2010? Adjidjatou Barry Baud est critique. Certains sont «bons», mais disposent de peu de moyens. D'autres, plus fortunés, sont d'anciens politiciens. «Il y en a un qui été là pendant 11 ans, mais n'a rien fait pour le pays», déplore Adjidjatou Barry Baud.

L'éditrice entretient également peu d'espoir envers la démarche de médiation du président burkinabè, Blaise Compaoré. «Compaoré a tué son ancien président», rappelle Mme Barry Baud, en référence au coup d'État de 1987 au cours duquel Thomas Sankara a été tué. «Il a fait deux mandats à la tête du Burkina Faso et est en train de modifier la Constitution pour pouvoir en obtenir un troisième.»

Hier, Compaoré a proposé à la junte au pouvoir et à l'opposition de se rencontrer «très rapidement» à Ouagadougou.

- Avec l'AFP