De grands partis soudanais ont fait front commun mercredi contre le président Omar el-Béchir en exigeant un train de réformes comme garantie pour participer, en avril 2010, aux premières élections en plus de deux décennies.

Les partis ont mis fin mercredi à Juba, la capitale du Sud-Soudan semi-autonome, à une conférence de cinq jours présidée par le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), les ex-rebelles sudistes aujourd'hui membre d'un gouvernement d'union nationale avec le Congrès national (NCP) d'Omar el-Béchir. Les chefs du SPLM et d'une vingtaine de partis d'opposition dont l'ancien premier ministre Sadek al-Mahdi, à la tête de l'influent parti Umma, l'islamiste Hassan al-Tourabi, ancienne éminence grise du régime à Khartoum, et Ibrahim Nugud du Parti communiste ont participé aux discussions.

«Nous (les Soudanais) n'allons pas du tout dans la bonne direction. Nous nous enfonçons dans un abyme. S'il y a une raison à cette conférence est qu'il est temps de sauver le Soudan de la catastrophe», a déclaré Sadek al-Mahdi.

«Les problèmes du pays ne peuvent pas être réglés par un seul parti, même par deux partis, ils doivent être réglés au niveau national et c'est pourquoi nous misons sur un consensus national», a-t-il souligné.

Le NCP du président Béchir, de même que le Parti unioniste démocrate (DUP, formation liée à l'influente confrérie soufie Khatmiyya) de Mohamed Osmane al-Mirghani avaient boycotté la conférence, alors que de petits partis sudistes ont claqué la porte à mi-chemin.

Mais tel un lapin sorti d'un chapeau, le numéro deux du DUP, Ali Mahmoud Hassanein, s'est présenté au dernier jour de la conférence mercredi pour faire front commun contre le président Béchir.

«Nous pensons que le Congrès national est le plus grand ennemi des Soudanais. Tout le monde s'assoit ici pour discuter des torts causés au peuple soudanais» par ce parti, a déclaré à la presse M. Hassanein.

«Il y a tant de problèmes au Soudan causés par le NCP, au Nord, au Sud, au Darfour (ouest), dans l'Est et même au centre du Soudan. Actuellement, et pour la première fois, les partis discutent de ces problèmes et tentent de trouver une façon de détrôner le Congrès national lors des prochaines élections», a-t-il ajouté.

Détrôner? Les partis présents à la conférence de Juba ont assuré ne pas avoir discuté de stratégies communes en vue des élections générales - présidentielle, législatives et régionales - d'avril 2010, les premières depuis 1986 au Soudan, mais plutôt des conditions en vue d'un scrutin «libre» et «équitable».

Dans la «déclaration de Juba pour un dialogue et le consensus», les partis d'opposition et le SPLM exigent une série de réformes et la fin du conflit au Darfour, région de l'ouest en proie depuis 2003 à une guerre civile, sans quoi ils entendent boycotter les élections.

«Nous sommes arrivés à un consensus national. Nous appelons le NCP à joindre ce consensus et à ne pas s'isoler», a déclaré à l'AFP, Pagan Amum, secrétaire général du SPLM, à l'issue des discussions.

La conférence de Juba réunit un «public hostile» au NCP, a toutefois affirmé cette semaine à Khartoum, Kamal Obeid, un haut responsable du parti du président Béchir.

Selon différents analystes, les principaux partis d'opposition et le SPLM songent à présenter un candidat commun issu du Sud-Soudan à l'élection présidentielle afin de déloger du pouvoir Omar el-Béchir.

«Je demande à ces personnes (présentes à la conférence de Juba) de former une alliance parce que les prochaines élections ne sont pas un conflit entre partis, mais un conflit entre la démocratie et le totalitarisme», a plaidé M. Hassanein.