Les États-Unis ont vertement réprimandé jeudi le Kenya, pourtant leur allié traditionnel en Afrique et la terre d'origine du président Obama, en menaçant d'interdire de séjour certains dirigeants accusés de freiner les réformes et de fermer les yeux sur une corruption endémique.

Le gouvernement américain a indiqué avoir envoyé une lettre à 15 responsables kenyans - ministres, parlementaires, hauts fonctionnaires - pour les prévenir qu'ils seraient interdits de séjour aux États-Unis, ainsi que leurs proches, «dans les semaines à venir», sauf changement radical d'attitude de leur part. «Certaines de ces personnes n'encouragent pas activement les réformes, et parfois s'y opposent même», a accusé l'ambassadeur américain à Nairobi, Michael Ranneberger, devant la presse.

Le diplomate, qui a refusé de préciser le nom des responsables visés, a ajouté que les États-Unis allaient désormais «examiner de plus près toute proposition (d'aide) en faveur du Kenya au sein des institutions financières internationales».

L'ambassadeur américain a souligné que ces décisions reflétaient la position personnelle de Barack Obama, dont le père était un Kényan ayant émigré aux États-Unis.

Si le gouvernement kenyan espérait que les origines du président américain lui vaudrait une tendresse particulière, il avait vite déchanté en constatant que Barack Obama l'avait boudé au profit du Ghana, présenté comme le nouveau parangon de bonne gestion en Afrique, pour sa première et brève visite en Afrique en juillet.

Lors d'une tournée africaine début août, la secrétaire d'État américaine Hillary Clinton avait fait un détour par Nairobi, mais surtout pour y exhorter les responsables de ce pays à s'engager plus sérieusement en faveur des réformes.

Les États-Unis reprochent au gouvernement kényan d'être très loin du compte en matière de lutte contre la corruption et la criminalité, de respect de l'État de droit et de poursuites contre les auteurs des violences post-électorales de 2007.

Un gouvernement de coalition a été péniblement mis en place sous pression internationale après ces violences, suscitées par la réélection contestée du président Mwai Kibaki.

M. Kibaki avait alors accepté de nommer comme premier ministre son principal adversaire lors de ce scrutin, Raila Odinga, mais la plupart des réformes alors annoncées sont restées lettre morte, comme par exemple la cruciale question de la répartition des terres.

«Nous craignons profondément que l'incapacité à mener ces réformes provoque une plus grande instabilité encore à l'approche des élections de 2012», écrit Johnnie Carson, sous-secrétaire américain pour l'Afrique, dans la lettre envoyée aux responsables kenyans, tandis que le porte-parole du gouvernement à Nairobi dénonçait pour sa part la «diplomatie militante» américaine.

Au début du mois, Washington s'était déjà associé au concert de protestations suscité par la reconduction par le président Kibaki du chef de la lutte anticorruption, le juge Aaron Ringera, une décision jugée «troublante» «au regard des piètres performances» de l'intéressé.

La remontrance américaine recouvre une crainte plus générale, celle de voir l'instabilité au Kenya - un pays considéré il y a peu encore comme un des rares pôles de stabilité en Afrique de l'Est - avoir des conséquences négatives pour l'ensemble de la région.

Le Kenya pourrait notamment devenir un lieu privilégié de blanchiment de l'argent pour les combattants islamistes shebab ou pour les pirates qui sévissent dans la Somalie voisine, selon l'organisation de lutte contre la corruption Transparency International.