Accusée d'avoir soutenu Ali Bongo lors de l'élection présidentielle gabonaise, la France a été visée lors des violences post-électorales à Port-Gentil, la capitale pétrolière, où certains parlent de «colère» et même de «haine» envers l'ancienne puissance coloniale.

«Il y a maintenant une haine des Port-Gentillais et des Gabonais contre la France», déclare anonymement à l'AFP un jeune responsable local de l'opposition dont Port-Gentil est un bastion. Pour lui et de nombreux habitants de la capitale économique du Gabon interrogés par l'AFP, Paris a, malgré sa neutralité déclarée, participé à «la fabrication» de la victoire d'Ali Bongo, fils du défunt président Omar Bongo Ondimba, vainqueur de la présidentielle du 30 août avec 41,73% des voix.

Plusieurs candidats battus contestent les résultats officiels, dont l'ex-ministre de l'Intérieur André Mba Obame (arrivé 2e) et l'opposant Pierre Mamboundou (3e), qui revendiquent tous les deux la victoire. M. Mamboundou est arrivé en tête à Port-Gentil.

«Pour nous, les choses étaient claires depuis avant le vote. (...) La France parlait déjà de son «favori». C'est de France qu'a été annoncée la victoire d'un homme qui n'a pas été élu, pendant qu'au Gabon, on n'avait pas encore terminé le décompte! Les Gabonais n'ont pas élu Ali Ben (un des surnoms de Bongo fils)», s'insurge le jeune opposant.

«J'ai reçu des coups de fil de Paris et Bordeaux» attribuant plus de 50% à Ali Bongo, «alors qu'ici, on n'en était encore qu'à 15% du dépouillement!», soutient un militant d'un autre parti d'opposition.

L'annonce, le 3 septembre, des résultats du scrutin a été suivie à Port-Gentil par trois jours d'émeutes et de pillages, qui ont fait officiellement trois morts, au moins 15 selon l'opposition.

Le consulat de France a été incendié, des stations-service et bâtiments du groupe pétrolier français Total ont été pris pour cible, sans faire de victimes parmi les quelque 2.000 Français dans la ville, selon un responsable de la communauté française.

«Pourquoi Petro-Gabon (gabonaise), Engen (sud-africaine) ou OilLibya (libyenne) n'ont pas été attaquées ? On a visé des intérêts français parce que la France est derrière tout ce désordre électoral», affirme un employé d'une entreprise sous-traitante dans le secteur pétrolier.

«Sarkozy soutient Ali! Il lui a envoyé ses «gens», il l'a reçu avant l'élection. Le contentieux électoral n'est même pas fini, il s'est précipité pour le féliciter! Vous voulez quoi d'autres comme preuves?», s'emporte un homme lorsqu'on lui demande sur quoi il fonde ses allégations.

Beaucoup tiennent le même discours, rejetant les déclarations du président français Nicolas Sarkozy et de ses ministres assurant que Paris n'avait aucun candidat.

La France n'a «pas voté», la présidentielle a été l'affaire des seuls Gabonais, a martelé la présidente intérimaire Rose Francine Rogombé le 13 septembre à Port-Gentil.

Plus de 120 filiales ou succursales d'entreprises françaises sont présentes au Gabon. Le président Omar Bongo, décédé en juin, était considéré comme un pilier de la «Françafrique», terme recouvrant un ensemble de relations occultes politiques et d'affaires entre la France avec ses ex-colonies du continent.

Unique interlocuteur à ne pas exprimer de ressentiment anti-français, un comptable souligne que des commerces appartenant à des Africains ont aussi été visés lors des émeutes.

«Les jeunes souffrent, il n'y a pas de travail, pas d'encadrement. Or, tout le monde veut profiter des biens du pays», producteur de pétrole, riche en ressources minières et forestières, dit-il, ajoutant: «Le message est là».