La controverse sur le bilan des violences à Port-Gentil (ouest) après l'élection d'Ali Bongo à la présidence du Gabon a redoublé mercredi, l'opposition avançant le chiffre d'au moins 15 morts, alors que les autorités maintiennent le nombre de trois tués.

Pierre-André Kombila, médecin de formation, député et figure de l'opposition, a fait état d'informations provenant de la morgue de l'hôpital de Ntchengue, au sud de la cité pétrolière, «où il y avait 15 corps», a-t-il déclaré à l'AFP. Selon lui cette morgue «est pleine. Il nous reste à voir celle de l'hôpital Paul Igamba». «Il y a eu plusieurs dizaines de morts à Port-Gentil, selon les différents témoignages que j'ai reçus», a-t-il ajouté.

Candidat à la présidentielle de 1998 et plusieurs fois ministre, M. Kombila a soutenu à la dernière présidentielle l'opposant Pierre Mamboundou, dont Port-Gentil est un fief.

Il contredit ainsi le chiffre officiel de 3 morts dans les violences qui ont secoué la capitale pétrolière du Gabon du 3 au 6 septembre après l'annonce de la victoire d'Ali Bongo. Selon un décompte de l'AFP, les troubles ont fait au moins six morts.

Mardi soir, le porte-parole du gouvernement René Ndemezo Obiang a réaffirmé le bilan officiel à la télévision nationale RTG1: «À notre connaissance aujourd'hui, il n'y a eu que trois morts. Si l'opposition parle de plusieurs morts, il faut qu'elle en apporte les preuves. Il n'y a aucune preuve».

L'opposant Pierre-André Kombila a également évoqué «une rumeur qu'il faut vérifier» selon laquelle «l'armée prend les corps et les jette en mer en hélicoptère».

Il a réclamé la mise en place d'une «enquête internationale, en interrogeant les forces de l'ordre honnêtes» pour «arriver à la vérité».

Le porte-parole d'un collectif d'opposants, l'ancien premier ministre Jean Eyéghé Ndong, avait déjà réclamé lundi «une commission d'enquête internationale pour déterminer la gravité des faits, les violations des droits de l'homme ainsi que les responsabilités de ce véritable bain de sang».

Le porte-parole du gouvernement a juge inutile mardi une telle demande. «Le gouvernement maîtrise parfaitement la situation. Le travail (d'enquête) doit continuer à être fait sur le plan intérieur, donc il n'y a pas de situation qui nécessite pour l'instant une intervention internationale en terme d'enquête».

Toutefois, le ministre de l'Intérieur Jean-François Ndongou avait affirmé dimanche être «prêt à accepter une enquête internationale», et la ministre de la Communication Laure Olga Gondjout a déclaré mercredi devant la Presse qu'il «n'y avait pas de gêne à cela (l'enquête internationale)».

Selon M. Kombila, il y a par ailleurs actuellement «311 détenus, dont une vingtaine de femmes», arrêtés dans le cadre des émeutes à Port-Gentil. Le ministre de l'Intérieur avait parlé dimanche d'une soixantaine d'interpellations.

Dans la capitale pétrolière, la situation semblait se normaliser.

«Presque tous les commerces sont ouverts, la plupart des entreprises retravaillent, on retrouve l'activité au port», a affirmé mardi soir à l'AFP le consul de France à Port-Gentil, Pierre Blondel.

Selon les résultats officiels, validés le 4 septembre par la Cour constitutionnelle, Ali Bongo, fils du président défunt Omar Bongo, a été élu pour un mandat de sept ans avec 41,73% des suffrages, devant André Mba Obame (25,88%) et Pierre Mamboundou (25,22%). Ces deux derniers revendiquent la victoire.

Les candidats battus disposent de 15 jours, à partir de la validation par la Cour, soit jusqu'au 19 septembre, pour déposer des recours contre le résultat.