Depuis que les députés maliens l'ont adopté début août, le nouveau code des personnes et de la famille, accordant plus de droits aux femmes, est rejeté par des dizaines de milliers de Maliens qui enchaînent bronca sur bronca, à l'appel du Haut conseil islamique du Mali.

Samedi dernier, au Stade du 26 mars à Bamako, ils étaient environ 50000 personnes à «maudire» le nouveau texte, présenté comme «une insulte au Coran». «La civilisation occidentale est un péché!», «Non à ce code qui divise les Maliens» pouvait-on lire sur les banderoles.

Depuis plus de dix ans, le projet était dans les tiroirs. D'amendements en amendements, la loi a finalement été adoptée début août par l'écrasante majorité des députés. Mais pour être applicable, elle doit encore être promulguée par le chef de l'État, Amadou Toumani Touré.

Engageant des consultations, le président «temporise le jeu, il veut mettre l'unité nationale au-dessus de tout», explique un conseiller à la présidence.

«À y voir de près, ce ne sont pas forcément les avantages accordés aux femmes qui posent problème, mais le débat a un fort lien avec le culturel et le religieux», commente le sociologue malien Mamadou Samaké, rappelant que 90% des Maliens sont musulmans.

Parmi les articles qui fâchent, le nouveau code remplace notamment l'expression «puissance paternelle» par «autorité parentale» et fixe l'âge du mariage à 18 ans. L'ancien code ne précisait pas d'âge pour le mariage qui se faisait très souvent suivant la coutume, et parfois dès l'âge de 13 ou 14 ans.

En application du nouveau texte, seules sont reconnues les unions célébrées devant l'officier d'état civil.

«Nous demandons dans toutes les mosquées la relance du mariage religieux, comme si de rien n'était», ont protesté les imams. Ils ont même promis de «boycotter les députés» ayant voté pour la réforme: «nous ne ferons plus pour eux ou leur famille de cérémonies de baptême ni de prières en cas de décès. Ils ont trahi Allah!» ont-ils écrit.

Par ailleurs, le nouveau code reconnaît le droit au divorce en cas de non cohabitation de fait entre le mari et l'épouse pendant trois ans.

«Quand l'homme va travailler en France pendant des années pour nourrir sa famille, comment peut-on demander à sa femme de divorcer s'il ne revient pas avant trois ans?», s'interroge Mamoud Diakité, au nom d'une association musulmane.

Autre point contesté avec véhémence: l'enfant naturel acquiert les même droits et devoirs que l'enfant légitime en matière de succession.

Face aux protestations et incompréhensions, le politologue Amadou Kéita constate: «on a beau être dans un pays laïc, toute loi dans notre contexte doit refléter le point de vue de la majorité, sinon, c'est une crise sociale terrible qui va s'installer».

«Sinon, regardez, dans le code, il y a des articles courageux, comme celui sur la nationalité: un Béninois peut avoir la nationalité malienne et participer ici à des élections, c'est l'intégration qui est en marche», dit-il.

La Fédération nationale des collectifs d'organisations féminines du Mali (Fenacof), qui avait approuvé le nouveau code, a souhaité lundi que de «larges consultations» soient organisées, «afin de mettre l'unité nationale au-dessus de tout».

«Dans notre pays, tout le monde est pour la promotion de la femme. Mais quand il y a incompréhension, il faut s'asseoir pour discuter», juge la présidente de la Fenacof, Dembélé Oulématou Sow. «Il faut expliquer davantage le contenu du code pour éviter toute interprétation tendancieuse» conclut-elle.