L'ex-président du Liberia Charles Taylor a clamé mardi son innocence devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) à La Haye et nié avoir reçu des diamants en échange d'armes des rebelles sierra-léonais qu'il est accusé d'avoir dirigé en sous-main.

«Il n'y a pas un seul être humain qui pourrait croire qu'il est vrai que j'ai fait des affaires avec le RUF, recevant des diamants en échange d'armes ou recevant des diamants en échange de quoi que ce soit», a affirmé M. Taylor, qui a commencé à témoigner mardi.

 

Selon l'accusation, M. Taylor dirigeait en sous-main les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) qui ont mis à feu et à sang la Sierra Leone, leur fournissant armes et munitions en échange d'un accès aux ressources, notamment en diamants et bois précieux, de ce pays voisin du Liberia.

 

M. Taylor, élu président du Liberia en 1997, répond depuis janvier 2008 de onze crimes de guerre et crimes contre l'humanité, notamment meurtre, viol et enrôlement d'enfants soldats, commis durant la guerre civile en Sierra Leone qui a fait 120.000 morts et des milliers de mutilés entre 1991 et 2001.

 

«Je suis innocent de tous ces chefs d'accusation. Toute cette affaire est une supercherie, une tromperie basée sur des mensonges!», a assuré en anglais l'accusé, qui portait un costume gris et une cravate bleue à pois blancs.

 

Charles Taylor, qui plaide non coupable, est le premier témoin cité par la défense, qui avait commencé lundi à présenter ses arguments au tribunal. Le procès avait été suspendu en février, après que l'accusation avait appelé le dernier de ses 91 témoins à charge.

 

L'ancien seigneur de guerre, premier chef d'État africain à être jugé par un tribunal international, a quitté mardi en début d'audience le box des accusés pour s'asseoir à la place réservée aux témoins, face aux juges. Prêtant serment, il a juré de ne dire «que la vérité». Il devrait témoigner pendant plusieurs semaines.

 

«Mon nom est Dakpenah Docteur Charles Ghankay Taylor, le 21e président de la République du Liberia», a-t-il dit pour se présenter : «je me suis battu toute ma vie pour faire ce que je pensais être juste et dans l'intérêt de la justice».

 

 «Je n'ai apporté aucune aide militaire au RUF pour son invasion de la Sierra Leone», a par ailleurs affirmé l'accusé, assurant au contraire qu'il faisait tout pour l'amener à «la table des négociations de paix».

 

Interrogé sur les amputations à grande échelle de civils par les rebelles du RUF, il a assuré : «il est impossible que j'ai ordonné cela».

 

En tant que président du Liberia, «ma principale préoccupation était: comment allons-nous reconstruire ce pays déchiré par la guerre?», dont l'économie était «en ruines», a-t-il rappelé. Selon lui, les chefs d'État ouest-africains lui avaient promis qu'il ne serait pas poursuivi s'il acceptait de s'exiler au Nigeria, ce qu'il fit en 2003. Mais il a été arrêté en mars 2006 au Nigeria, puis transféré aux Pays-Bas où il est détenu depuis.

 

«Je n'arrive pas à comprendre toutes les intrigues qui ont été tramées contre moi», a-t-il expliqué. «Je suis sacrément en colère de ce que Obasanjo m'a fait», a-t-il dit à propos de son ancien rival, le président nigérian Olusegun Obansanjo.

Le procès avait été délocalisé de Freetown à La Haye pour éviter tout risque de déstabilisation de la région. Le jugement est attendu mi-2010.