Dès 08H00, le message crépite dans le talkie-walkie: «Muhanga est repris, sans résistance!» Ce village de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), fief de rebelles hutu rwandais, a été «libéré» par l'armée gouvernementale après deux jours d'opérations.

La veille au soir, l'unité de pointe des Forces armées de la RDC (FARDC) était à 2 km de l'objectif. Quand ils ont atteint Muhanga jeudi, les rebelles avaient déjà fui.Plus de 3.500 hommes étaient mobilisés pour reprendre ce village d'environ 500 familles et deux autres tout proches, Bunyatenge et Mibeya, isolés au coeur de la forêt des montagnes du Nord-Kivu.

Les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et leurs alliés miliciens congolais Maï Maï les «occupaient» depuis janvier. Leurs états-majors étaient installés dans de petites cases sur les hauteurs de Muhanga et Bunyatenge.

Tôt mercredi matin, les troupes de Kinshasa ont fait mouvement à pied sur trois axes. Embuscade, contre-embuscade: trois rebelles et deux soldats réguliers ont été tués, un officier des FDLR a été fait prisonnier.

Jeudi vers midi, le colonel Philémon Yav, chef des opérations, arrive à Muhanga «libéré», dit-il.

Il vient parler à la population, la rassurer. Celle-ci vivait en relative harmonie avec les rebelles. Les soldats des FARDC, eux, n'inspirent pas confiance. Ailleurs, ils ont déjà commis des pillages et des incendies.

«Nous voulons votre collaboration. Nous ne voulons pas que les FDLR recommencent à se promener ici. Ce sont nos ennemis», explique l'officier de 41 ans devant quelque 150 habitants réunis au centre du village.

«Nous n'avons plus mangé depuis deux jours. Ils ne faut plus que les balles crépitent sinon nous allons fuir», dit l'un d'eux. Un autre demande si les soldats auront leurs rations, et une femme évoque les viols commis par certains militaires dans d'autres localités.

«Tout soldat qui commettra des violences sera jugé par un tribunal», assure l'officier, ajoutant que l'armée «achètera les vivres ici».

Le père Piumati Giovanni, missionnaire italien à Muhanga depuis une quinzaine d'années, fait office de chef de village. Il connaît bien les rebelles et les miliciens, surtout leurs chefs.

«Il y en a beaucoup qui veulent sortir de la forêt. Ils sont fatigués à l'extrême» d'être traqués par l'armée, dit-il en aparté au colonel Yav.

«J'aimerais avoir un contact direct avec eux. Faites-leur passer le message», demande ce dernier au religieux, en échangeant avec lui son adresse mail.

Depuis l'arrivée des troupes gouvernementales, le prêtre est mal à l'aise, tendu. Il redoute la présence, au sein de la brigade déployée dans le village, d'ex-rebelles congolais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).

Ces derniers, ralliés en début d'année à Kinshasa puis intégrés aux FARDC, sont des Tutsi congolais, ennemis des Hutu rwandais. Ils punissent souvent les populations, accusées d'avoir collaboré avec les FDLR, dont certains leaders ont participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.

Le lieutenant-colonel chef de la brigade est justement un Tutsi ex-CNDP.

«Il faut mettre un +Congolais+ à la tête de la brigade», confie au journaliste de l'AFP le père Giovanni, très inquiet.

«Les FDLR ne supporteront pas d'avoir été chassés par un ex-CNDP. Ils vont revenir bientôt attaquer le village», ajoute-t-il avec gravité.

Un jeune villageois dit lui à l'AFP que les habitants se sentaient «plus en sécurité avec les FDLR».